Colonie sociétaire de Cîteaux

Le monastère des fouriéristes.
En 1841, l’abbaye de Cîteaux apparaît aux yeux des phalanstériens et de leur mécène écossais comme la clôture idéale pour l'essai d’une communauté de plaisirs.

Vue du « château » de l'abbaye de Cîteaux · lithographie tirée de « Société civile de Cîteaux – prospectus », 1864 · collection Familistère de

Zoé Gatti de Gamond, femme de lettres belge appartenant au groupe des fouriéristes dissidents ou « réalisateurs », a l’idée de créer un phalanstère dans l'abbaye proche de Dijon transformée en château après la Révolution. À la recherche d’un mécène, Zoé Gatti de Gamond convainc un jeune et riche négociant écossais de racheter le considérable domaine de Cîteaux pour la somme de 1 500 000 francs : des terrains d’une superficie de 530 hectares, une immense maison abbatiale, une orangerie, un théâtre de 500 places, de nombreux bâtiments agricoles, deux moulins… Arthur Young est alors le principal bailleur de fonds de l’École sociétaire « orthodoxe » dirigée par Victor Considerant.

Les premiers phalanstériens s’installent à Cîteaux à l’automne 1841. En 1842, la colonie dirigée par Arthur Young et Zoé Gatti de Gamond compte 100 à 120 sociétaires, majoritairement des familles d’artisans venus de Paris et de ses environs, militants fouriéristes. L’association domestique agricole et industrielle emploie une centaine de personnes des environs de Cîteaux. Il semble bien qu’une organisation sociétaire soit expérimentée : constitution d’une société d’actionnaires (sociétaires travailleurs ou non) participant aux bénéfices, institution d’une gérance, d’une assemblée générale des sociétaires et de conseils élus (du capital, du travail, de l'éducation), établissement du minimum social de subsistance, éducation des enfants, essais de travail attrayant par « séries passionnées ». Les phalanstériens et leurs salariés se consacrent essentiellement à l’agriculture, notamment la culture des arbres fruitiers et l’élevage. On leur doit la création d’une fromagerie encore en activité aujourd’hui. L’organisation des plaisirs est un aspect caractéristique du fouriérisme cistercien : les fêtes musicales et bals hebdomadaires, les repas gastronomiques, les parties de chasse frappent les contemporains autant que le logement des modestes colons dans le luxueux palais abbatial.

Dès 1842, des querelles éclatent parmi les phalanstériens qui provoquent l’expulsion de quelques fortes personnalités. L’acquisition du domaine, les coûts d’exploitation ainsi que la faible productivité de l’exploitation causent des difficultés financières importantes à Arthur Young. Au début de 1843, la colonie est en crise. La plupart des sociétaires ont quitté le domaine avant septembre 1843. Young donne une nouvelle organisation à la colonie, un « ménage sociétaire » encore d’inspiration fouriériste, pour attirer de nouveaux actionnaires. Sans succès. Arthur Young est exproprié en 1846. L’Écossais embarque peu après pour l’Australie. Il ne renie pas le socialisme puisqu’on le retrouve en 1855 aux États-Unis d’Amérique avec l’intention de participer à la société de colonisation de Réunion, au Texas.

Témoignages

FROMAGE GASTROSOPHIQUE

Faisselle à fromage
Bois · France, XIXe siècle


La doctrine de Charles Fourier élève la gastronomie au rang de science sociale sous le nom de gastrosophie. Cette science pratique prévoit d’exciter chez tous les sociétaires la passion de la table pour permettre son « engrenage » aux arts de la cuisine, de la conserve et de la culture et ainsi former un faisceau d’activités sociales et économiques dynamique au sein de la communauté. Fourier en fait une condition sine qua non de succès du phalanstère d’essai. Il mentionne la fabrication de fromages parmi les industries gastrosophiques qu’il serait judicieux de développer pour commencer (Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, 1829, p. 170, 302-306.)
L’organisation des plaisirs est un aspect caractéristique du fouriérisme cistercien : les fêtes musicales, les bals hebdomadaires, les parties de chasse ou les repas gastronomiques dans le luxueux palais abbatial frappent les contemporains. Les phalanstériens parviennent à « engrener » une fromagerie, dont la production est poursuivie aujourd’hui par les moines du monastère.


Vue du « château » de l'abbaye de Cîteaux
Lithographie tirée de « Société civile de Cîteaux – prospectus », 1864 · Collection Familistère de Guise



Sources et références

Voet (Thomas), La Colonie phalanstérienne de Cîteaux, 1841 - 1846. Les fouriéristes aux champs, 2001.



voir