Kfar Masaryk

En attendant Kfar Masaryk.
Des jeunes marxistes lithuaniens et tchécoslovaques
débarqués en Palestine font alliance en 1933 pour augmenter leurs chances de fonder un kibboutz. Dans cette attente, ils s'emploient dans le port de Haïfa.

Les membres du kibboutz "Tcheco-lita" (Kfar Masaryk), dans le campement de Bat Galim, près du port de Haïfa · photographie anonyme, 1935 · Kfar Masaryk Archive · University of Haifa, Younes and Soraya Nazarian Library

Le kibboutz Kfar Masaryk (« Village de Masaryk ») est fondé en 1933 par des juifs de Lituanie et de Tchécoslovaquie récemment immigrés en Palestine. En 1932, un petit groupe de Lituaniens du mouvement de jeunesse sioniste et marxiste Hashomer Hatzair (allié au mouvement du Kibboutz Artzi) arrivent dans la ferme de Petach Tikva, important centre de formation agricole des colons juifs près de Tel Aviv. Ils attendent l'occasion de fonder par leur travail une commune égalitaire indépendante, leur kibboutz. Le nombre des femmes du groupe excédant celui des hommes, ils décident de se joindre à un groupe de Tchécoslovaques pour obtenir l'appui des autorités sionistes de colonisation. Ils s'installent provisoirement en février 1933 dans un camp de cabanes près du port de Haïfa dans le quartier Bat Galim et proclament la création du kibboutz Tcheco-Lita. Les hommes s'emploient dans le port.

En 1934, le groupe est autorisé à se déplacer à quelques kilomètres à l'ouest de Haïfa, dans les dunes de sable de Kiriyat Hayim. Il adopte un nouveau nom, Mishmar Zebulun (Le Gardien de la vallée de Zébulon) et commence à bâtir une économie reposant sur un jardin potager et l'élevage de vaches laitières, une boulangerie et d'autres productions industrielles. Ils entament une collaboration avec un autre jeune kibboutz implanté aussi sur les dunes de Kiriyat Haim, Ein Hamifraz. En 1937, le groupe de fondateurs est renforcé par de jeunes Polonais du Hashomer Hatzair.

De nouvelles circonstances vont infléchir le cours de l'histoire du kibboutz. Au nord de Haïfa et à quelques kilomètres au sud de la ville d'Acre, est établie la briqueterie Naaman qui produit une part importante des matériaux de construction des installations sionistes en Palestine. Cette usine stratégique pour la colonisation est isolée et se trouve dans une position vulnérable à l'époque de la révolte arabe de 1936-1939 contre le projet britannique de partition de la Palestine entre juifs et Arabes. Les organisations sionistes confient la protection de la briqueterie aux « gardiens de la vallée de Zébulon » qui entrevoient dans cette mission de défense une occasion pour occuper un territoire plus vaste que celui dont ils disposent à Kiriyat Hayim. Le 29 novembre 1938, le kibboutz fonde près de l'usine Naaman une nouvelle colonie suivant la méthode d'implantation « tour et palissade » mise au point par le mouvement sioniste pendant la révolte arabe (une série de 36 kibboutzim sont fondés de même pendant cette période, parmi lesquels Ein Gev ou Kfar Ruppin).

L'Agence juive de colonisation est réticente à l'installation permanente d'une colonie sur les terres sablonneuses et marécageuses du sud d'Acre, qu'elle juge impropres à l'agriculture. Ce n'est qu'en 1940 que le kibboutz tchéco-lituano-polonais peut s'y transporter définitivement. Les Tchèques sont sans doute prédominants dans le groupe de jeunes colons, qui baptisent finalement la communauté du nom du premier président de Tchécoslovaquie Tomáš Garigue Masaryk (1850 - 1937), « Zola tchèque », père fondateur de la nation tchécoslovaque, pro-sioniste et premier chef d'État à effectuer une visite officielle en Palestine en 1927. Au cours des trois années suivantes, Kfar Masaryk mène d'importants travaux : assèchement des marais et éradication de la malaria, désalinisation des terres, création d'un pont sur la rivière Naaman, mise en culture des champs, aménagement de bassins piscicoles, création d'une unité de production d'asphalte et de peinture (Askar). En 1943, la population du kibboutz est composée de 126 membres et de 53 enfants.

À la fin de la seconde guerre mondiale, le kibboutz obtient de nouvelles terres agricoles dont les occupants arabes ont parfois été expulsés. Kfar Masaryk entre dans une période de prospérité bien qu'une partie de ses membres se soient engagés dans l'armée britannique et les forces juives du Palamach pour combattre l'Allemagne nazie et malgré les troubles entre juifs et Arabes. Les tentes sont abandonnées au profit de maisons (encore modestes) et des étables sont construites. La société des enfants (séparés plus ou moins strictement des parents dans les kibboutzim) est équipée de nouvelles maisons pour accueillir les enfants de la diaspora européenne. Les membres du kibboutz entreprennent de construire par eux-mêmes un centre culturel.

Après la proclamation de l'État d'Israël, Kfar Masaryk et le kibboutz Ein Hamifraz ouvrent en grande pompe l'institution d'éducation T. G. Masaryk sur le modèle de celui de Mishmar Haemek, cité-bâtiment édifiée en 1935 pour les enfants de plus de 12 ans des kibboutzim Artzi de la vallée de Jezréel. La mise en service d'un nouveau puits d'eau (un problème récurrent dans l'histoire de Kfar Masaryk) donne au kibboutz les capacités d'un nouveau développement. La culture de la vigne et de vergers est introduite. Le kibboutz achève son centre culturel, le club Moadon, et aménage sa piscine. En 1953, Kfar Masaryk comprend 280 membres et 150 enfants. La communauté confie à l'architecte Munio Weinraub Gitai (1909 - 1970), formé à l'école du Bauhaus de Dessau sous la direction de Mies van der Rohe, la construction de son nouveau et remarquable réfectoire ouvert en 1963.

L'agriculture représente toujours aujourd'hui la base de l'économie de Kfar Masaryk. La culture du coton et celle des avocats (16 variétés différentes) sont les plus importantes. L'élevage de 300 vaches laitières fait à Kfar Masaryk (comme dans la grande majorité des kibboutzim) partie du paysage.

En 2003, la population de Kfar Masaryk comprend 580 personnes dont 370 membres et 140 enfants.

Témoignages

ENFANCE COMMUNE

Voitures jouets utilisés à Kfar Masaryk
Bois peint · Israël, Kfar Masaryk (?), vers 1960


Les plus collectivistes des kibboutzim, affiliés au mouvement du Kibboutz Artzi, sont les derniers dans les années 1970 à abandonner les modalités de l’éducation commune de leurs enfants, soustraits dès leur jeune âge à leurs parents pour développer chez eux l’esprit de communauté et les élever selon les valeurs du kibboutz dans un milieu étanche à la société de consommation, comme en témoignent ces frustes jouets.


Nourricerie de Kfar Masaryk à Haïfa
Photographie anonyme, 1935 · Kfar Masaryk Archive, University of Haifa, Younes and Soraya Nazarian Library



Sources et références

Site Internet du kibboutz Kfar Masaryk, [En ligne], URL : http://www.kfar-masaryk.org.il/eindex.php, consulté en août 2012.



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