Unitary Household

Petite association dans la grande cité.
Le ménage unitaire installé en 1858 dans une maison de briques de Stuyvesant Street à Manhattan est l’une des très rares expériences urbaines de socialisme pratique.

Stuyvesant Street à New York · photographie Frederick Langenheim, 1856 · Robert N. Dennis collection of stereoscopic views, New York Public Library

L’Unitary Household est ouvert en mai 1858 dans le centre de New York sous le double patronage idéologique de Charles Fourier et de l'anarchiste Josiah Warren. L'expérience est inspirée par Stephen Pearl Andrews, cofondateur en 1851 avec Josiah Warren du village de Modern Times, et conduite par Edward Fitch Underhill, un collaborateur du journal réformateur The Tribune d'Horace Greeley, admirateur du fouriériste américain Albert Brisbane. Après l’échec des expérimentations phalanstériennes des deux décennies précédentes, les fouriéristes new-yorkais se déterminent pour un projet moins ambitieux : démontrer les avantages de l’association en matière d'économie domestique.

L'Unitary Household est un ménage unitaire ou sociétaire comme on dira un peu plus tard à Condé-sur-Vesgre en France, application très partielle de la théorie de Charles Fourier. Underhill loue un immeuble dans Manhattan où viennent habiter plusieurs familles de sa connaissance en partageant les frais suivant le principe équitable de Josiah Warren : « Le coût est la limite du prix ». Le New York Times du 22 juin 1858 donne une description de l'habitation : « Le "ménage unitaire" est une grande maison de briques à trois étages située sur Stuyvesant Street. Elle s'élève à l'ombre de l'église Saint Marc, n'est pas éloignée des grandes bibliothèques de la ville – Astor, Historique et Mercantile, se trouve à portée de voix de la maison de la Bible, et donc bénéficie d'une position presque centrale bien qu'elle soit située à Broadway. Vingt personnes vivent dans cet établissement. Elles forment des familles différentes. Chaque famille dispose d'un appartement pour lequel elle paye un loyer correspondant à la valeur relative des pièces. Les appartements les meilleur marché sont nécessairement les plus proches du toit. Au rez-de-chaussée, il y a deux coquettes salles, éclairées au gaz, meublées avec goût, décorées de tableaux, dans laquelle on trouve des instruments de musique comme une harpe, un piano et une guitare. Dans l'extension qui se trouve à côté de ces salles, est aménagée la salle à manger commune. Une table est dressée pour l'ensemble des habitants des différents étages. En dehors des repas, chaque famille conserve son intimité. Il y a des domestiques en nombre suffisant et les dépenses de leur entretien et de leur salaire sont réparties entre tous, comme c'est le cas pour les autres dispositions de l'établissement. Le gaz est payé de la même façon ; les deux blanchisseuses qui sont employées ont beaucoup à faire et reçoivent une bonne paye, car ces hommes et ces femmes aux idées radicales ont un amour admirable pour le linge immaculé ; les diverses dépenses du ménage et la note des repas sont toutes réglées par le même procédé de répartition. Un homme a la responsabilité de la location de la maison. Il paye 1 000 $ par an, entretient une famille d'une taille considérable douée d'un grand appétit, collecte les contributions de chacun, y compris la sienne, au prorata de leur consommation, et clôt les comptes le samedi soir. »

Un an plus tard, au printemps 1859, l’expérimentation prend une nouvelle ampleur. Underhill abandonne Stuyvesant Street pour trois maisons de la 14e rue, des « brownstones houses » qui peuvent accueillir une centaine de résidents. Les résidents de l’Unitary Household se recrutent parmi l'intelligentsia bohème de New York : Julia Branch ou Henry Clapp, le poète Edmund Clarence Stedman, Marx Lazarus et Mary Stevens qui y rencontre son futur époux Edward Howland... Cette unique expérimentation urbaine du fouriérisme périclite en 1860 : à cette échelle, l’équilibre économique est difficile à atteindre et la communauté s’endette.

L’Unitary Household se situe à la jonction de l’histoire du fouriérisme, du féminisme, de l’abolitionnisme, du spiritisme, du journalisme d’avant-garde, de la réforme sexuelle. C’est également un trait d’union entre les mouvements socialistes autour de la guerre de Sécession. Après cet épisode, Stephen Pearl Andrews rallie la Première Internationale et s’associe à Victoria Woodhull pour promouvoir des résidences communautaires urbaines, passage obligé, selon elle, de toute révolution domestique.

Témoignages

Sources et références

The New York Times, 22 et 25 juin 1858, 21 et 26 septembre 1860.

Stedman (Laura) et Gould (George M.), Life and Letters of Edmund Clarence Stedman, vol. 1, 1910.

Cetti (Luisa), Un Falansterio a New York. L'Unitary Household (1858 - 1860), 1992.



voir