Putney Community

Le scandaleux communisme biblique du pasteur Noyes.
Les fidèles du théoricien de la polygamie évangélique ont été mis à la porte de Putney en 1847 par leurs voisins puritains du Vermont.

John Humphrey Noyes · daguerréotype, vers 1840 (détail) · © Special Collection Research Center, Syracuse University

John Humphrey Noyes appartient à la bonne société de Nouvelle Angleterre ; il a 20 ans et se destine au droit. En 1831, il assiste par curiosité à Putney, sa ville natale du Vermont, à un prêche en plein air du renouveau chrétien. Noyes est saisi par la ferveur de la foule, subitement assailli de doutes sur le sens de son existence ; il décide de consacrer sa vie à Dieu, entreprend des études de théologie et sort diplômé de Yale en 1833. Noyes croit être l'instrument de la réalisation du royaume du Christ sur terre. Il se déclare parfait et délivré du péché. Le jeune pasteur est interdit de prêche.

L'originalité de Noyes fait des éclats lorsqu'en 1837, un ami publie une correspondance privée sur l'institution du mariage : « Quand la volonté de Dieu sera faite sur terre, comme elle l'est dans les cieux, il n'y aura plus de mariage. Le souper de noces de l'Agneau est une fête où tous les invités pourront manger de tous les plats » (Oved 1993, p. 169). Ce qui ne l'empêche pas de se marier avec une riche disciple, Harriet Holton, mais sous la forme d'un partenariat laissant les époux libres de leurs relations. Avec ce mariage, Noyes gagne les moyens de sa propagande. Il achète immédiatement une presse d'imprimerie et s'installe à Putney où une communauté, la Bible School, se forme sous sa sévère autorité. Noyes recrute ses fidèles dans le Vermont et les états voisins parmi les perfectionnistes, une secte chrétienne dont certains groupes pratiquent l'amour libre.

En 1845, après avoir reçu l'héritage de son père décédé en 1841, Noyes fonde la Putney Community dont la constitution instaure la polygamie, justifiée par une exégèse du Nouveau Testament. Le « mariage complexe » est celui du royaume des cieux où chacun est marié aux autres en cœur et en esprit, la fidélité à la communauté dans son ensemble se substituant à la fidélité monogame. Le mariage complexe de Putney s'accompagne aussi d'un contrôle des naissances. L'acte sexuel « complexe » s'accomplit selon le principe de la « continence masculine » : Noyes compare les amants à des navigateurs expérimentés sur une rivière dont ils savent éviter les rapides. Dans l'esprit de Noyes, la procréation doit pouvoir être choisie par les femmes. Pour distinguer le mariage complexe de l'amour libre des scandaleux perfectionnistes, Noyes introduit la « critique mutuelle » dans la constitution. Les séances collectives de critique et d'autocritique permettent aux membres de la communauté de réguler leurs relations ; elles jouent le rôle d'une catharsis sociale, et éventuellement aussi permettent à Noyes de contrôler les comportements individuels.

En 1847, Noyes doit répondre d'une accusation d'adultère et de « fornication » devant le tribunal ; la communauté est persécutée et dispersée par ses voisins puritains de Putney et du Vermont. Le mariage complexe, la continence masculine et la critique mutuelle vont rester les fondements de la communauté lorsqu'elle se reconstitue à Oneida dans l'état de New York. De 1851 à 1855, une colonie filiale de la communauté d'Oneida subsiste à Putney.



Témoignages

Sources et références

Noyes (John Humphrey), History of American Socialisms, 1870, p. 614-645.

Oved (Yaacov), Two Hundred Years in American Communes, 1993, p. 167-192.