Nouvelle Icarie

Conflit de générations en Icarie.
Les communistes libertaires ou Jeunes Icariens s'opposent aux anciens Icariens, plus soucieux d'ordre que d'égalité. Les Vieux Icariens sont contraints en 1879 de former une nouvelle colonie sur le domaine de Corning.

Le réfectoire de la Nouvelle Icarie à Corning, Iowa · © photographie Frank D. Myers, 2010

La communauté communiste icarienne installée à Nauvoo (Illinois) en 1850 puis à Corning en 1854 est en 1879 déchirée par un conflit de générations. Les séparatistes de la Jeune Icarie, pourtant minoritaires, obtiennent en 1879 du tribunal d'Adams County la division de la propriété. La Jeune Icarie conserve les installations primitives d'Icaria tandis que la Vieille Icarie doit se déplacer au sud-est du domaine. La majorité des anciens va résister bien plus longtemps que la minorité des séparatistes qui quittent Corning en 1882.

La Nouvelle communauté icarienne ou New Icaria de la majorité adopte en mars 1879 un nouveau contrat social qui tient compte des expériences passées. Les membres, maintenant au nombre de quinze, s'engagent à abandonner définitivement à la communauté tous leurs biens. Une majorité de 90 % des suffrages est requise pour toute décision d'importance. Une année entière de noviciat est imposée aux nouveaux admis et leur apport est fixé à 100 $. Le président et les directeurs sont dotés de pouvoirs importants.

À nouveau dépourvue de ressources, la communauté doit emprunter et se mettre encore à la merci d'un créancier. Hormis les terres, ses biens immobiliers consistent en six maisons de bois situées dans la « ville » et un moulin. La colonie trace le plan d'un village baptisé Icara, du nom de la cité idéale décrite par Cabet dans son Voyage en Icarie. En septembre 1879, les six maisons sont transportées sur rouleaux de bois à la place qui leur a été assignée. Bientôt, une grande maison commune s'élève au centre d'Icara entourée d'habitations et environnée de jardins.

Quelques soubresauts agitent New Icaria lors de la révision constitutionnelle de 1883 qui revient sur l'abandon définitif du capital apport des membres admis au profit de la communauté. Ayant abandonné toute velléité de propagande, la colonie vieillit et se réduit progressivement. En février 1895, l'élection d'un président ne peut avoir lieu faute de candidat. L'assemblée générale décide alors la dissolution de la communauté par consentement mutuel. Les biens sont cédés aux membres ou vendus à leur profit. En octobre 1898, le tribunal prononce la disparition légale de la société. Avec elle, s'achève l'icarisme américain dont l'histoire a commencé 50 ans plus tôt. L'école et le réfectoire d'Icara ont été restaurés en 2006 et 2007 par la National Icarian Heritage Society, fondée en 1977 par la descendante d'un Icarien.

Témoignages

En avril 1895, Léonie Bettanier, icarienne, épouse de l'un des présidents de la communauté, prononce l'oraison funèbre de la Nouvellle Icarie :

« Nous étions si peu nombreux et si semblables à ceux du dehors que ce n'était plus la peine de vivre en communauté. »

(Léonie Bettanier citée par Prudhommeaux (Jules), Histoire de la communauté icarienne, 8 février 1848 - 22 octobre 1898. Contribution à l'étude du socialisme expérimental, 1906, p. 404.)


Sources et références

Prudhommeaux (Jules), Histoire de la communauté icarienne, 8 février 1848 - 22 octobre 1898. Contribution à l'étude du socialisme expérimental, 1906.

Rude (Fernand), Voyage en Icarie. Deux ouvriers viennois aux États-Unis en 1855, 1952.

Cordillot (Michel), La Sociale en Amérique. Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis, 1848 - 1922, 2002.