Freeland

Liberté à Égalité.
La colonie socialiste d'Equality est infiltrée en 1904 par un anarchiste qui la transforme en Freeland.

Le site d'Equality et de Freeland, Washington · photographie Donald. E. Janzen, 1997 · Donald Janzen Collection, David L. Rice Library · © University of Southern Indiana

À l'automne 1904, un marchand de livres âgé de 33 ans, Alexander Horr, intègre la colonie d'Equality, sur Puget Sound au nord de l'État de Washington. Il apporte avec lui 160 exemplaires de Freeland, la traduction anglaise d'un roman utopique de l'économiste autrichien Theodor Hertzka (1890). Le livre décrit une colonie d'une région isolée du Kenya, devenue en 25 ans une nation pacifique et égalitaire fondée sur la participation collective et la liberté individuelle. Hertzka propose les statuts d'une colonie modèle : admission libre de tous, propriété collective de la terre et des moyens de production, gouvernement par une assemblée générale, économie dirigée par un conseil élu par l'assemblée, salaires proportionnés au nombre d'heures de travail que chaque membre effectue selon sa volonté, redistribution des bénéfices aux travailleurs, liberté maximale de chaque colon... Freeland, comme Looking Backward, 2000-1887 de Bellamy (1888), inspire le mouvement communautaire aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Alexander Horr a écrit la préface de l'édition américaine du livre (1891). Le colporteur est en réalité un anarchiste d'expérience, ce qu'il ne semble pas avoir avoué ouvertement à ses camarades d'Equality. Émigré de Hongrie, Horr devient un familier des cercles radicaux de New York et s'engage dans la nouvelle Freeland Central Association. Il ne tarde pas à gagner de l'influence au sein de la colonie. Equality, qui empruntait son nom à un roman d'Edward Bellamy, est rebaptisée Freeland.

Horr donne un second souffle à la communauté de Puget Sound. Grâce à ses talents de conférencier, il mobilise de nouveaux fonds qui lui permettent de restructurer l'économie de la colonie. Il crée notamment une conserverie de fruits et légumes, et l'efficacité de sa propagande provoque l'arrivée de nouveaux membres. Equality reçoit une nouvelle orientation : il ne s'agit plus de socialiser l'État de Washington mais de conduire dans toute le pays une entreprise d'acquisition de terres et de colonisation au profit des libertaires pour miner les fondements du capitalisme. Comme auparavant, des unions locales sont créées. Freeland est l'union locale n° 1 ; l'union locale n° 2 est créée à New York ; cinq autres unions sont créées dans les environs de Freeland. La constitution d'Equality est modifiée dans le sens préconisé par Hertzka. Les colons forment sur la base du volontariat sept groupes de travail : laiterie, verger, déboisement et agriculture, café de céréale, apiculture et boulangerie, poulailler, construction. Chaque groupe gère en toute indépendance ses opérations et la rémunération de ses travailleurs (en général, les salaires sont proportionnels aux heures travaillées). Une compétition entre groupes d'individus se substitue ainsi à l'idéal coopératif d'Equality. Certains souhaiteraient hypothéquer des parcelles de la colonie, en violation des principes communautaires. Cette transformation divise profondément la colonie. Une partie seulement des anciens membres embrasse les idéaux des nouveaux venus. Individualistes et coopérateurs en viennent aux mains. C'est un incendie de la grange et de l'étable le 1er février 1906, d'origine inconnue, qui met un terme à l'existence d'Equality-Freeland, officiellement dissoute le 1er juin 1907.

 

Témoignages

Sources et références

Le Warne (Charles Pierce), Utopias on Puget Sound, 1885 - 1915, 1975, p. 55-113.

Sutton (Robert P.), Communal Utopias and the American Experience. Secular communities, 1824 - 2000, 2004, p. 83-88.