Burley Cooperative Brotherhood

Le parti ou la communauté.
Les socialistes du nouveau Social Democratic Party sont partagés entre l’action politique traditionnelle et la transformation sociale du pays par la création de colonies coopératives. La communauté de Burley est fondée par le SDP en 1898 sur Puget Sound : elle est surtout occupée par son propre développement.

Couverture du Livre rouge de la Démocratie sociale, 1900

En juin 1897 se tient à New York la convention fondatrice de la Social Democraty of America (SDA). Elle est formée de socialistes radicaux de tout bord en rupture avec les partis politiques traditionnels - le Populist Party ou le Socialist Labour Party. À la tribune, le leader de la SDA, Eugene V. Debs, définit le but de l'organisation : créer un mouvement de colonisation socialiste dans l'État de Washington pour « s'assurer du contrôle de la politique de l'État et commencer le Commonwealth coopératif ». L'objectif est similaire à celui du Brotherhood of Cooperative Commonwealth (BCC) créé un an plus tôt et qui s'apprête à fonder une première colonie (Equality) au nord-ouest de l'État de Washington sur Puget Sound. Debs a été le premier président de la BBC. La SDA est divisée entre ceux qui privilégient l'action politique et les partisans de l'expérimentation communautaire. Une mission de prospection est cependant confiée à Cyrus Field Willard, un fils de bonne famille de Boston, ami du très influent écrivain socialiste Edward Bellamy (Looking Backward, 2000-1887, 1888).

Avec les fonds de la SDA, Willard acquiert à l'automne 1898 une centaine d'hectares au nord-ouest de Tacoma. Les premiers colons de Burley sont des mineurs au chômage et leurs familles : 11 hommes, 4 femmes et un garçon. Ils sont rejoints par Willard et un petit groupe d'idéalistes et d'intellectuels de la classe moyenne séduits par les utopies de Bellamy et de Laurence Gronlund (The Co-operative Commonwealth, 1889), mais sont moins radicaux que les mineurs. Burley manque d'unité dès l'origine. Willard débute la publication du journal de la colonie The Co-operator en décembre 1898 avec lequel Burley gagne en indépendance vis à vis de la SDA et attire à Burley une foule de nouveaux membres, pas toujours préparés à la vie de pionniers. En 1900, la colonie comprend 120 membres. Elle compte aussi un millier de « réservistes », des membres non résidents établis dans 26 états différents des États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande et même aux Philippines. Peu après le lancement du Cooperator, Willard, qui se considère comme le leader naturel de la colonie, est amené à quitter Burley : sa coquette femme de la bonne société de Chicago fait des jalouses, lui-même ne prend pas part aux durs travaux des colons et se plaint du peu d'élévation intellectuelle et spirituelle de ses camarades. Son départ ne bouleverse pas l'organisation de la communauté.

La direction de la Cooperative Brotherhood de Burley est confiée à un conseil d'administrateurs élus par l'assemblée générale des membres résidents. Celle-ci désigne également les directeurs des branches d'activité de la colonie. C'est l'assemblée qui prend les décisions sur tous les sujets touchant à la vie communautaire. Les débats mensuels portent souvent sur la façon de préserver la démocratie de toute dérive autoritaire et sur l'étendue et les limites de l'organisation communautaire. En février 1901, l'individualisme semble prendre le pas sur le collectivisme : on décide de réduire les bénéfices de la production communautaire pour augmenter les revenus des membres afin qu'ils puissent jouir directement des fruits de leur travail. Si les repas sont pris en commun, chaque famille dispose de sa maison et de son jardin. Pour ses habitants, Burley est surtout une communauté de travail et de production.

Comme à Equality, la communauté de Burley se préoccupe moins du plan de colonisation socialiste de l'État de Washington que de son propre développement économique. En 1901, les départements d'activités productives obtiennent leur autonomie. Le plus important est celui de l'exploitation forestière dont la scierie mécanique est en activité en 1902. La fabrication de cigares dépasse le stade de l'atelier artisanal. L'agriculture prospère grâce à la fertilité des terres et à l'aménagement d'un système d'irrigation : les fermiers font pousser des pommes de terres, des asperges, des oignons et des choux-fleurs. Les abonnements au journal The Co-operator donnent aussi des recettes substantielles.

En 1903, un visiteur décrit Burley comme une pittoresque communauté rurale avec un atelier de forgeron et un autre de charpentier, les bureaux de l'administration et l'imprimerie dans un bâtiment à étage. L'ensemble des maisons individuelles est appelé « Circle City ». À côté se trouvent le bureau de poste, le magasin, le réfectoire et la cuisine, ainsi que l'hôtel des célibataires. Près de l'hôtel, il y a la fabrique de cigares, la laiterie, la buanderie, un magasin de chaussures et d'autres petites maisons.

Burley ne développe pas un système éducatif original. Les enfants fréquentent l'école publique locale. La vie culturelle et sociale n'y semble pas aussi brillante qu'à Equality. La pratique religieuse est tolérée. Willard pratique la théosophie aux débuts de la colonie. Deux ministres unitariens célèbrent des offices le samedi soir. L'un d'eux, William E. Copeland succède à Willard à la tête du Cooperator et signe des articles sur la Nouvelle Jérusalem réalisée à travers le devoir de fraternité coopérative.

À la différence de beaucoup de communautés dont le recrutement n'a pas été contrôlé, la population de Burley est globalement marquée par ses convictions socialistes, même si elles sont d'obédiences diverses. Lorsque la production de la division forestière de la colonie devient rentable au point que plusieurs fois se pose la question d'employer de la main-d'œuvre non communautaire, les travailleurs s'y refusent finalement au nom de leur engagement socialiste. L'esprit communautaire se délite pourtant quand l'économie se met à stagner et à régresser. En 1903, Alonzo Wardall, un des leaders du mouvement coopératif, convainc une partie des membres de Burley de transformer la colonie en une coopérative dont la propriété est divisée en actions. C'est sous ce régime qu'elle fonctionne jusqu'à sa dissolution en 1912. Il reste alors 17 habitants à Burley.

Témoignages

Sources et références

Le Warne (Charles Pierce), Utopias on Puget Sound, 1885 - 1915, 1975, p. 129-167.

Oved (Yaacov), Two Hundred Years in American Communes, 1993, p. 267-272.

Sutton (Robert P.), Communal Utopias and the American Experience. Secular communities, 1824 - 2000, 2004, p. 88-90.



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