Colonia Cecilia

Pauvre liberté.
Des libertaires italiens s’exilent en 1890 au Brésil pour tenter l’aventure communautaire. La Cecilia commence dans une cabane près de Palmeira. Les pionniers s’épuisent mais leurs descendants cultivent toujours la vigne des anarchistes.

Une cabane près de colonia Cecilia · © photographie Edmundo Horwat, 2010

Giovanni Rossi est un vétérinaire issu de la bourgeoisie de Pise. Dès 1873, il adhère à l’Internationale. À partir des années 1875, il affirme ses convictions anarchistes et son intérêt pour le collectivisme de Bakounine dans différents ouvrages. Durant les années 1885, il s’engage dans la création de plusieurs coopératives et communautés anarchistes dans le nord de l’Italie. La principale d’entre elles est l’Associazione Agricola Cooperativa Cittadella.

Au début de l’année 1890, alors que se profile la dissolution de la Cittadella, il est sur le point de rejoindre la communauté de Kaweah en Californie ou celle de Topolobampo au Mexique lorsqu'un ami, Achille Brescia Dondelli, lui propose de fonder une colonie en Amérique de Sud. Après avoir envisagé un établissement en Uruguay, Rossi embarque le 20 février 1890 à Gênes avec un petit groupe de huit personnes pour le Brésil. L'aventure reçoit le soutien « par devoir » des socialistes italiens, mais ne suscite pas l'enthousiasme des leaders anarchistes selon lesquels l'exil ne sert pas la cause.

Le 18 mars 1890, le Città di Roma entre dans le port de Rio de Janeiro. Les anarchistes reprennent la mer quelques jours plus tard à destination de Porto Alegre, mais le mal de mer de certains compagnons oblige le groupe à débarquer à Paranaguá, dans l'État du Paraná. Ils prennent le train avec d'autres migrants italiens jusque Curitiba. De là, Giovanni Rossi et Evangelista Benedetti partent en éclaireurs vers l'ouest sur le conseil du bureau de colonisation. Après deux jours de voyage, les pionniers arrivent dans la petite ville de Palmeira qui leur fait excellente impression : elle est équipée d'un bureau de poste et d'un télégraphe, possède un club littéraire et une société de théâtre et compte des personnalités remarquables parmi lesquelles le médecin Franco Grillo avec lequel ils se lient. Rossi et Benedetti choisissent de s'installer dans une cabane en bois à 18 km de Palmeira, au lieu-dit Santa Barbara de Cima. Au début d'avril 1890, ils sont rejoints par leurs compagnons restés à Curitiba.

À l’automne 1890, Rossi quitte la nouvelle colonie baptisée La Cecilia et regagne l’Italie à la recherche de nouveaux membres : des familles entières d’ouvriers partent pour le Brésil, apportant avec elles semences et outils. Pendant ce temps, à la Cecilia, de nombreuses personnes ont rejoint la communauté. La population de la colonie compte 150 membres. Cet afflux soudain a des conséquences désastreuses et la colonie périclite une première fois en juin 1891. Au retour de Rossi en juillet 1891, elle ressuscite pourtant avec une trentaine de membres fraîchement débarqués. La Cecilia perdure jusqu’en avril 1894 grâce à l’arrivée constante de nouveaux membres – notamment de nombreux agriculteurs venus de la plaine du Pô – qui viennent compenser le départ régulier d’anciens participants découragés.

Les conditions de vie misérables, l’ampleur du travail à accomplir, les dissensions entre les groupes d’ouvriers et d’agriculteurs, l’absence d’idéal commun, les importantes pertes financières ont eu raison de l’expérimentation. Cependant, dans les brochures que Giovanni Rossi consacre au bilan de l’expérimentation, Cecilia, communità anarchista sperimentale et Un episodio d’amore nella Colonia Cecilia, il considère que l’échec ne doit pas être imputé à l’expérience même mais aux participants et à leur difficulté à se détacher d’un comportement hérité de la société bourgeoise. Demeurant convaincu qu’une colonie de ce type reste possible, il apportera son soutien à d’autres projets.

Des descendants des migrants italiens vivent toujours à Santa Barbara, où l'on cultive encore les vignes plantées par les anarchistes. Dans la ville de Curitiba, un restaurant italien baptisé Anarco est tenu par une descendante des colons de la Colonia Cecilia.

Témoignages

Sources et références

Betri (Luisa), Cittadella e Cecilia : due esperimenti di colonia agricola socialista, 1971.

Gosi (Rosellina), Il socialismo utopistico. Giovanni Rossi e la colonia Cecilia, 1977.

Felici (Isabelle), Les Italiens dans le mouvement anarchiste au Brésil, 2001.

Comolli (Jean-Louis), La Cecilia, film, 113 min., 1976.

Zecca (Adriano), Un'utopia di nome Cecilia, film documentaire, 2008.



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