Ardelaine

 BANCS D'UTOPIE / WE SIT TOGETHER / FRANCIS CAPE 

Ardelaine, coopérative de territoire.
Une ancienne filature de laine, réhabilitée à partir de 1972, vivifie un village et sa région.

Saint-Pierreville en Ardèche et la coopérative Ardelaine en bas à droite - © photographie C. Fougeirol, 2015

En 1972, Gérard et Béatrice Barras décidèrent de redonner vie à une ancienne filature de laine située à Saint-Pierreville en Ardèche. Les ateliers avaient fermé en 1960 en raison de la dévalorisation de la laine au profit du synthétique. Avec eux toute une économie locale avait disparu. Les éleveurs ardéchois jetaient la laine de leurs moutons faute de pouvoir la vendre. La région se désertifiait. La volonté des fondateurs, déjà engagés dans la réhabilitation d’un hameau du sud de l’Ardèche, était de sauver un patrimoine à l’abandon, de relancer le travail de la laine dans la région et de se confronter à la création d’une coopérative.
Ils rachetèrent les ruines de la filature de Saint-Pierreville en 1975. Plusieurs années leur furent nécessaires pour constituer une équipe motivée et solidaire, réhabiliter les bâtiments et se former aux métiers de la laine. Ils ne voulaient pas s’endetter et firent le choix de réunir les fonds nécessaires au projet par le seul fruit de leur travail. Ils occupèrent divers emplois, firent des économies et mutualisèrent leurs moyens pour faire face aux charges communes (habitat, nourriture, habillement, transport…) et financer les travaux. L’équipe reçut le soutien de nombreux bénévoles. Les statuts de la société coopérative ouvrière de production (SCOP) Ardelaine furent adoptés par seize personnes en 1982.
Pour être en accord avec ses objectifs de solidarité, de développement local et de respect de l’environnement, la coopérative a une approche globale de toute la filière, de la tonte des moutons jusqu’à la commercialisation des produits finis. L’équipe constitua un réseau d’éleveurs du pays qui s’engagent sur la qualité de leur laine. Les coopérateurs maîtrisent sur les plans technique et écologique toute la chaîne de production, et se tournent vers la vente directe aux particuliers, sur place, dans les salons ou par correspondance. En 1982, elle fabriquait des articles de literie – matelas, couettes et oreillers. En 1986, Ardelaine lança une gamme de vêtements confectionnés dans un atelier que la coopérative installa à Valence. Ardelaine a ensuite cherché à diversifier ses activités en privilégiant le développement local : la coopérative comprend aujourd’hui un musée de la laine (20 000 visiteurs par an), une boutique, un café-librairie, un restaurant qu’elle loue à une autre coopérative et une conserverie qu’elle loue également à différents utilisateurs. Une cinquantaine de personnes travaillent sur le site de la coopérative. Ardelaine participe ainsi activement à l’économie locale et revitalise un territoire tout en entretenant des savoir-faire traditionnels. Ses fondateurs disent d’Ardelaine qu’elle est une « coopérative de territoire ».
La coopérative ne forme pas à proprement parler une communauté mais constitue le centre d’un réseau de solidarité sur son territoire. Son organisation interne reste dynamique. La SCOP est administrée par un conseil d’administration de douze membres. En 2014, Ardelaine employait 47 salariés dont 37 coopérateurs. Chacun a une activité principale et plusieurs activités annexes. Cette polyvalence, utile à la productivité, permet à tous d’être pleinement impliqués dans les affaires de la coopérative et offre une diversité du travail appréciable. Ardelaine continue de pratiquer l’égalité des salaires (à hauteur du SMIC), quelle que soit la responsabilité exercée ou l’ancienneté : « Une personne est une personne, expliquait Béatrice Barras en 2014. On a tous besoin de manger, dormir, être au chaud l’hiver. On a tous le même niveau de vie. Avec l’égalité des salaires, on ne se mesure pas par l’argent, et ça enlève une quantité phénoménale de tensions entre les gens. » Cette question a toutefois été débattue récemment en assemblée générale.

Témoignages

Sources et références

Barras (Béatrice), « La SCOP Ardelaine, un projet coopératif de développement local », dans RECMA, n° 281, juillet 2001, p. 151-153.

Neuville (Richard), « Ardelaine : une « coopérative de territoire » en Ardèche », publié le 14 septembre 2015 sur le site de l'association Autogestion, [En ligne], URL : http://www.autogestion.asso.fr/?p=5358, consulté le 6 janvier 2016.

Cape (Francis), Bancs d'utopie. We sit together, Guise, Le Familistère de Guise, 2016.



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