Hazore'a

 BANCS D'UTOPIE / WE SIT TOGETHER / FRANCIS CAPE 

Hazore'a, un kibboutz allemand
De jeunes juifs allemands s’installent en 1934 au pied du Mont Carmel où ils campent pendant plus de dix ans avant de pouvoir développer leur kibboutz.

Le kibboutz Hazore'a - photographie Zoltan Kruger, 1937 - Israel National Photo Collection

Le premier kibboutz (« ensemble » en hébreu), Degania, a été fondé en Palestine en 1909 par douze jeunes juifs socialistes de Russie. Il existe aujourd’hui en Israël près de 270 kibboutzim, communes égalitaires intégrales de biens et de travail, où vivent quelque 120 000 personnes. Hazore’a est l’unique kibboutz d’Israël à avoir été fondé par des membres du Werkleute, un mouvement animé par une élite intellectuelle de jeunes juifs socialistes allemands. Avec l’arrivée du nazisme au pouvoir durant l’hiver 1933, le mouvement a embrassé l’idéologie sioniste de « retour » des juifs en Palestine et a activé ses préparatifs pour y fonder un kibboutz sous l’influence du mouvement de jeunesse socialiste Hashomer Hatzair (« La Jeune Garde »). Un premier groupe émigra au début de 1934. Les jeunes gens, qui suivaient en Allemagne des études académiques ou techniques, commencèrent par faire l’apprentissage de la vie de pionniers ; ils se retrouvèrent au cours de l’année au sud de Haïfa, au pied du Mont Carmel où ils décidèrent d’installer leur kibboutz sur des terres que leur attribua l’Agence juive de colonisation.
Les colons vécurent dans des conditions très précaires pendant de nombreuses années, sous des tentes et dans des baraquements. Ce n’est qu’après la guerre d’indépendance d’Israël en 1948, que les jeunes diplômés de Hazore’a purent véritablement disposer de leurs terres et faire leurs premiers essais d’agriculture.
En raison de la pauvreté des sols de la vallée, le kibboutz commença par faire de l’élevage de chèvres et de moutons. Ils s’employèrent parallèlement au drainage et à l’assèchement des terres de la vallée de Jezreel. Ils développèrent des cultures maraîchères, de melons notamment, des vergers et des vignes, avant de privilégier la culture du coton. Hazore’a tira profit des installations de drainage pour aménager des bassins piscicoles et, comme tant d’autres kibboutzim, créa un élevage de poulets et une laiterie. Dans les années 1950, le kibboutz a jugé nécessaire de diversifier ses ressources et d’imaginer un développement industriel. Une manufacture de mobilier, une usine d’emballages alimentaires et un centre de contrôle technique de produits industriels ont été ainsi créés. Hazore'a Aquatics, propriété du kibboutz, élève et commercialise dans le monde entier des poissons d'ornement et des plantes aquatiques.
L’urbanisation de Hazore’a reproduit un plan caractéristique, qui suit le plan directeur établi par l’architecte Richard Kauffman pour les kibboutzim : une forme ouverte pour l’expansion de la communauté, séparant les fonctions d’habitation et de travail, avec le réfectoire et le centre culturel en son centre. Le réfectoire de Hazore’a a été construit par les architectes modernistes Al Mansfeld et Munio Weinraub, qui furent également les auteurs du riche musée d’art asiatique Wilfrid-Israel fondé au kibboutz en 1951.
Comme dans tous les kibboutzim, l’éducation est une préoccupation essentielle. Hazore’a appliqua le principe de la communauté des enfants séparés de leurs parents biologiques et élevés par la communauté tout entière. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, le kibboutz accueillit et forma des jeunes venus de Bulgarie, de Syrie, du Liban et des groupes divers de survivants de l’holocauste. Un centre d’apprentissage de l’hébreu pour les immigrants, un oulpan créé en 1956, a fonctionné pendant 50 ans à Hazore’a, contribuant de façon importante au renouvellement de ses membres.
Hazore’a est un kibboutz très dynamique sur le plan économique. Il reste une communauté vivante. Le kibboutz, qui compte aujourd’hui environ 900 membres, offre à tous les mêmes conditions d’existence. Le réfectoire, emblème de la vie communautaire, est toujours en fonctionnement. L’organisation démocratique perdure, avec son secrétariat, son conseil communautaire et son assemblée des membres. Des changements sont toutefois intervenus dans les dernières décennies : depuis 1991, les enfants dorment chez leurs parents biologiques, certains services comme les repas au réfectoire ou la fourniture d’électricité sont devenus payants, des personnes non membres du kibboutz sont autorisées à habiter à Hazore’a. Cette « privatisation » progressive est un sujet de débat permanent aujourd’hui parmi les membres de Hazore’a.

Témoignages

Sources et références

Cape (Francis), Bancs d'utopie. We sit together, Guise, Le Familistère de Guise, 2016.



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