BANCS D'UTOPIE / WE SIT TOGETHER / FRANCIS CAPE
Inspirés en religion et en affaires.
Les Allemands fidèles à la Communauté de la vraie inspiration débarquent en Amérique en 1842. Ils sont rigoureusement égalitaires tout en développant des talents divers d’agriculteurs, d’artisans et d’industriels.
La colonie d’Amana tire son origine d’un mouvement religieux appelé la Communauté de la vraie inspiration (Community of True Inspiration), né en Allemagne en 1714. Le mouvement a été initié par Eberhard L. Gruber et Johann F. Rock, qui croyaient que Dieu se manifestait directement à travers des individus inspirés. Comme les adeptes étaient persécutés en Allemagne, leur leader Christian Metz se rendit en Amérique en septembre 1842 à la tête d’un comité chargé de rechercher des terres pour leur installation. La communauté rassembla ses ressources et acquit 2 000 hectares à Ebenezer, près de Buffalo dans l’État de New York. Par le travail en coopération et le partage de la propriété, la colonie, qui compta bientôt 1 200 membres, parvint à se créer une existence à peu près confortable. Sous le nom d’Ebenezer Society, elle adopta une constitution qui officialisa son mode de vie communautaire. En 1854, l’augmentation du prix des terres de la région et les préoccupations matérialistes de plus en plus évidentes d’une partie des membres ébranlèrent le fondement spirituel de la communauté ; les chefs décidèrent alors de déplacer la communauté à l’ouest, en Iowa, où des terres étaient disponibles.
Les sept villages d’Amana se situent le long de la vallée fertile de la rivière Iowa, sur une superficie de 10 000 hectares de terres appartenant à la société. Les villages, avec leurs maisons à un étage en bois, briques et pierres, ressemblent d’une certaine façon à n’importe quelle colonie germano-américaine, sauf que les maisons en bois ne sont pas peintes. À ceci près aussi que les maisons étaient communautaires. Les familles occupaient des appartements avec plusieurs chambres et un salon ; elles prenaient leurs repas dans des cuisines communautaires.
La propriété et les ressources étaient partagées. Lorsqu’ils intégraient la communauté, les membres donnaient leurs biens à la société. En échange, ils disposaient d’un toit, étaient nourris, tous leurs besoins étaient satisfaits et ils bénéficiaient d’un pécule pour leurs achats dans le magasin communautaire. Berta Shambaugh raconte qu’un frère doué ayant réclamé une augmentation de son allocation en rapport avec ses compétences, on lui demanda si le simple berger n’accomplissait pas la tâche qui lui incombait avec conviction et en faisant tout son possible ; comme il répondit oui, on lui dit d’aller son chemin et faire de même.
La communauté subvenait à ses besoins grâce à ses cultures et à la production de laine et de toile de coton. De plus, les colons fabriquaient à leur usage livres, briques, horloges, tissus, mobilier et vin. Les bons artisans étaient estimés. Les colons faisaient pousser ce qu’ils consommaient et ils produisaient leur nourriture ; les cuisines communautaires préparaient les repas aussi bien que les collations du matin et de l’après-midi.
Un conseil d’administrateurs détenait l’autorité spirituelle et temporelle. Tous les hommes adultes ainsi que les veuves et les femmes célibataires de plus de 30 ans votaient dans l’assemblée annuelle. Le conseil d’administration désignait les anciens pour siéger dans les conseils qui géraient les affaires de chaque village.
Les conseils de village distribuaient le travail selon la saison et les nécessités des affaires. Les hommes avaient le choix de s’employer dans diverses professions ; les femmes travaillaient dans leurs activités traditionnelles. Les enfants âgés de 5 à 14 ans allaient à l’école six jours par semaine, toute l’année, sans vacances. Les garçons les plus âgés passaient quelques heures chaque jour à apprendre un métier. Certains étaient envoyés à l’université pour devenir enseignants, docteurs et dentistes.
En 1932, les membres d’Amana votèrent l’abandon du système communautaire et ils formèrent une société avec participation aux bénéfices. Beaucoup avaient fini par voir la vie communautaire comme un obstacle aux aspirations des individus. Au lieu de partir ou de regarder leurs enfants s’en aller, ils évoluèrent. La société d’Amana compte aujourd’hui près de 900 membres.
Shambaugh (Bertha Maude Horack), Amana: The Community of True Inspiration, Iowa City (Iowa), The State Historical Society of Iowa, 1908.
Hoehnle (Peter), "Metz, Christian", The Biographical Dictionary of Iowa, University of Iowa Press, 2009 [En ligne : http://uipress.lib.uiowa.edu/bdi/DetailsPage.aspx?id=269, consulté le 13 février 2016].
Cape (Francis), Bancs d'utopie. We sit together, Guise, Le Familistère de Guise, 2016.