Morning Star Ranch

Morning Star, commune ouverte.
Déclarée propriété de Dieu, ouverte en 1967 aux les hippies de San Francisco, la commune sans règles se forme sous LSD et finit sous les bulldozers.

Les fondateurs de Morning Star Ranch et de Wheeler Ranch, Californie · photographie Sylvia Clark Hamilton · © The Modern Utopian, 1971

Le contrebassiste Lou Gottlieb est un des trois musiciens de The Limeliters, un groupe de pop-folk qui connaît un grand succès public et commercial aux États-Unis autour de 1960 – The Limeliters chantent pour une publicité de Coca-Cola et animent une émission de télévision. En 1962, pour investir et payer moins d'impôts, Gottlieb fait l'acquisition d'un domaine de 13 hectares à Occidental, dans le comté de Sonoma, à 100 km au nord de San Francisco. La ferme avait été baptisée Morning Star Ranch par un ancien propriétaire. Le musicien pense lotir le terrain et construire des maisons qu'il revendrait. À la suite de différents événements qui changent le cours de son existence, Lou Gottlieb abandonne ce projet. Sa santé se détériore et il commence à être harassé par les tournées du groupe qui réchappe de peu d'un crash d'avion en 1963 ; il est introduit à la spiritualité hindouiste et expérimente les modifications de l'état psychique par la prise de LSD. En 1965, Lou Gottlieb fait la rencontre à San Francisco de figures de l'avant-garde culturelle, à l'occasion de la préparation du Trips Festival de janvier 1966, retentissante manifestation musicale psychédélique suivie par une foule sous LSD. Il se lie notamment avec le compositeur Ramón Sender Barayón. Sender, enfant de la guerre civile espagnole immigré aux États-Unis, qui partage avec Gottlieb l'intérêt pour la philosophie orientale et les psychotropes (en 1963, au cours d'une hallucination au peyotl en compagnie du musicien Steve Reich, Sender communique avec l'esprit de sa mère, fusillée par les franquistes en 1936). Ramón Sender avait vécu dans les années 1950 dans une communauté et c'est lui qui inspire à Lou Gottlieb l'idée de consacrer sa propriété du comté de Sonoma à une expérience collective. En avril 1966, après une nouvelle expérience hallucinatoire sous LSD, Sender devient le premier résident permanent de Morning Star, suivi par Gottlieb au mois de juin suivant.

La ferme, alimentée en eau toute l'année par deux puits, est située sur un terrain accidenté. La moitié des 13 hectares est occupée par des forêts, des prairies et des vergers de pommiers. Les bâtiments comprennent deux maisons, une grange, un ancien poulailler industriel. Pendant les premiers mois, Morning Star fonctionne comme une retraite ou un ashram pour une étroite communauté d'une douzaine de personnes pratiquant le yoga et étudiant les textes de sages indiens comme Sri Aurobindo (en l'honneur de qui Auroville a été fondée en 1967 près de Pondichéry), dont Sender et Gottlieb se considèrent disciples. L'idée formulée par Sender est celle d'un « primitivisme volontaire » écologique (Fairfield 1971, p. 110). La communauté est parfaitement informelle. Les membres s'installent dans les maisons et les abris de la ferme. Gottlieb se loge avec son grand piano dans un ancien atelier de stockage des œufs. Les repas, végétariens, sont pris en commun. Chacun travaille à sa convenance aux tâches domestiques, dans les vergers ou au jardin organique aménagé à la place de l'ancien poulailler industriel.
En novembre 1966, Morning Star reçoit sept visiteurs venus de Haight-Asbury, le quartier hippie de San Francisco, puis, quelques mois plus tard, des Diggers, le collectif animateur du Haight qui prépare l'accueil de plusieurs dizaines de milliers de jeunes à San Francisco pour le Summer of Love de 1967. Lou Gottlieb les autorise à récolter les pommes de ses vergers. Morning Star est si sympathique aux Diggers qu'ils en font la publicité à San Francisco. Gottlieb se convertit à la même époque à l'idéal du libre accès de tous à la terre (« Land access to which is denied no one » ou LATWIDEN), même s'il en reste le propriétaire : « la terre sélectionne les gens » (Fairfield 1971, p. 112). À partir du printemps 1967, l'ermitage est submergé par une foule de hippies : « Quand la nouvelle s'est répandue que Morning Star était une commune "ouverte", de plus en plus de gens ont débarqué de la ville, en particulier de Haight-Ashbury. Ces hippies de passage venaient en visite pour le week-end ou restaient parfois une ou deux semaines puis repartaient. En juin 1967, ils représentaient plus de la moitié des résidents ; le week-end, la proportion était encore plus élevée. Pendant les mois de juin et juillet, 90 personnes par jour en moyenne mangeaient le soir au repas communautaire ; le week-end, ce nombre était doublé. Un samedi de la fin de juillet, on a nourri plus de 300 personnes » (Fairfield 1971, p. 110). Du riz (acheté par Gottlieb) et les légumes du jardin font la base de l'alimentation. Les coupons alimentaires délivrés par le district, les dons des visiteurs ou les achats des uns et des autres complètent l'ordinaire. Chacun apporte à la communauté ce qu'il souhaite, selon son bon vouloir. Morning Star a cessé d'être un ashram pour devenir commune ouverte.

Le ranch attire maintenant l'attention des autorités et des médias (comme Time Magazine pour son numéro du 7 juillet 1967) qui sont à la fois effrayés et attirés par la consommation de drogues, la pratique de l'amour libre et l'adoption d'une nudité « primitive » et contestataire par la population de la communauté. Certains résidents se déshabillent dès qu'ils franchissent l'entrée de la ferme et laissent leurs vêtements à la porte ; les incursions des autorités donnent régulièrement lieu à la confrontation insolite d'uniformes avec la nudité de jeunes résidents. Si quelques-uns vivent en couple, la plupart sont célibataires ; en séjournant à Morning Star, ils embrassent la cause de la nouvelle révolution sexuelle : « Il était évident, se souvient une femme alors très jeune, qu'une partie du deal quand je suis arrivée à Morning Star était que j'étais censée coucher avec tout le monde. Il y avait une sorte de consentement tacite à l'amour libre. Morning Star avait sa légende du "fantôme baiseur". Si tu étais tout seul à Morning Star – n'importe qui, homme ou femme – quelqu'un viendrait pendant la nuit te consoler et te faire l'amour. Je t'assure, c'était vraiment intéressant de te réveiller en pleine nuit et trouver quelqu'un avec toi dans ton sac de couchage. C'était une chose en quelque sorte entendue que n'importe qui voulait coucher avec n'importe qui » (Fairfield 1971, p. 48-49). Dans l'atmosphère libertaire de Morning Star, les résidents permanents continuent de pratiquer le yoga et d'étoffer leur connaissance de la spiritualité orientale. La réputation croissante de la communauté leur vaut la visite de leaders spirituels ou gourous indiens en tournée américaine, en particulier après le séjour de Lou Gottlieb en Inde en 1968.

La surpopulation de Morning Star entraîne rapidement une crise écologique, sanitaire et sociale aigüe au sein de la communauté sans règles ni gouvernement. Les ordures envahissent le domaine, les installations sanitaires sont très insuffisantes, les arbres sont abattus sans discernement, des feux sont allumés sans précaution, la capacité de logement est extrêmement réduite (14 chambres seulement) et des abris divers sont élevés sans autorisation. Le voisinage est hostile et des tensions apparaissent entre résidents permanents et temporaires, des tentatives d'organisation communautaire voient timidement le jour, mais Lou Gottlieb et Ramon Sender s'opposent à toute régulation : « La terre sélectionne les gens », à un certain moment certains partiront d'eux-mêmes et l'équilibre écologique sera restauré. Les autorités du comté n'ont toutefois pas la patience d'attendre que la nature règle les problèmes. La police perquisitionne Morning Star à la recherche de drogue et des inspecteurs des services de santé viennent constater les manquements à l'hygiène ; injonction est faite à Gottlieb d'évacuer tous les occupants de la propriété sous peine d'une amende de 500 $ par jour ; la justice ordonne la destruction des constructions sauvages et envoie en octobre 1967 des bulldozers raser les constructions illégales. Des logements sont immédiatement reconstruits ; en janvier 1968, une vingtaine de résidents récalcitrants sont arrêtés. Devant la pression de l'administration du comté, des hippies de Morning Star trouvent refuge dans une ferme voisine que le propriétaire, Bill Wheeler, en émule de Gottlieb, déclare lui aussi « terre ouverte » à tous (le Wheeler ranch sera « nettoyé » à son tour par les bulldozers en 1973). D'autres résidents s'exilent au Nouveau Mexique dans le comté de Taos pour fonder en avril 1969 une nouvelle commune ouverte, Morning Star East, près de la communauté de New Buffalo.

En mai 1969, Lou Gottlieb fait un coup d'éclat philosophique et judiciaire : il enregistre un acte auprès du comté de Sonoma par lequel il transmet son titre de propriété à Dieu. Si Morning Star est à Dieu, Gottlieb ne peut plus être tenu responsable de son occupation devant la justice. Il défend sans succès le cas devant le tribunal du comté. Le juge ne considère pas Dieu en tant que personne physique ou morale : « Quelle que soit la divinité, Dieu n'est pas une personne existante, naturelle ou artificielle à qui l'on peut transmettre un bien ou qui puisse être détenteur d'un acte de propriété », tranche-t-il (Fairfield 1971, p. 114). Ce problème de jurisprudence reçoit une grande publicité dans tout le pays. Gottlieb fait appel en fondant son argumentation sur les libertés constitutionnelles et l'assimilation de la propriété de Dieu à un domaine public. Le comté persiste dans sa décision d'évacuer Morning Star. Les bulldozers entrent en action à quatre reprises dans la ferme et ont finalement raison de la ténacité des derniers occupants qui abandonnent la partie en 1973. Jusqu'à sa mort en 1996, Lou Gottlieb, qui repart en tournée avec les Limeliters, s'appliquera à propager l'évangile de la terre ouverte de Dieu.

Témoignages

Gina Stillman, enseignante issue d'une famille aisée de Californie, est la compagne de Ramón Sender. Interviewée par ce dernier en 1986 ou en 1996 - 1998, elle évoque les débuts de Morning Star en 1966 :

« Nous étions à la recherche de quelque chose. Au début, je pensais que j'étais seule, que j'étais la seule femme recherchant désespérément une alternative pour quelque chose de différent. Au début, je pensais que j'étais seule, que j'étais la seule femme recherchant désespérément une alternative pour une vie différente. Pourtant, en général, quand je ressens profondément une chose, je ne me trompe jamais. Il y avait en fait des milliers de personnes qui avaient la même aspiration. L'époque était comme ça, c'était un temps où s'ouvraient à nous des possibilités qui ne nous avaient jamais été révélées auparavant. En ce qui me concerne, je trouvais la vie plutôt grise jusque là. Tout n'était pas gris, c'est-à-dire, j'avais la littérature et la musique, mais ce n'était que des choses qui avaient été déjà réalisées. Alors que je faisais l'expérience d'une vie véritablement dans l'instant, j'étais un peu déçue par ce début des années 1960. Puis en 1964 sont apparus les psychotropes et les consciences ont changé. De nouvelles possibilités se sont ouvertes, des mondes dont nous n'avions jamais rêvés, presque comme un nouveau spectre de couleurs. C'était comme si j'avais vécu dans une prison sans m'en rendre compte. Notre sentiment pour la beauté de la vie s'est développé, pour des choses qui nous avaient toujours semblé ordinaires. Une feuille, un brin d'herbe, n'importe quoi prenait une intensité incroyable. J'ai ressenti une joie réelle à quitter mon existence antérieure.
Il y a eu aussi un regain d'intérêt pour les rituels, la magie et les manifestations des couches profondes de la conscience. À Morning Star, nous avions l'occasion d'aller dans une espèce d'endroit où l'on pratiquait de la magie noire, un peu sorcier. Mais j'ai toujours senti que nous devions rester à l'écart de ce genre de choses. Et je n'avais pas l'impression d'imposer à d'autres mon trip personnel. C'était comme un message que j'entendais qui me disait que notre trip était d'aimer Dieu et de faire don de sa vie. En d'autres termes, de nous ouvrir aux gens et de les aimer, en essayant de nous fondre dans l'amour qui nous recouvrait et en renonçant pour toujours à quelque pouvoir que ce soit. Je savais que Lou [Gottlieb] et Ramón ressentaient la même chose.
[...] Un trip d'acide a définitivement soudé le groupe. Depuis dix jours, nous n'avions mangé que du riz complet, et le soir du dixième jour nous avons tous pris de l'acide. Ça a été un trip de dingue, avec Ben [Jacopetti] se mettant à hurler et je ne sais plus quoi encore, mais je sais que nous avons eu des expériences très intenses qui nous ont rapprochés. Avec ce trip d'acide, Lou et Ramón sont devenus beaucoup plus intimes. Ils ont ressenti un puissant sentiment de fraternité l'un pour l'autre, et ils ont réalisé à ce moment que quelque chose était sur le point de se passer dans le ranch. Tu pouvais seulement le sentir, pas le prévoir. Je voulais me dévouer à être une partie d'une immense, aimante et généreuse force maternelle. J'ai cessé de me préoccuper de mon bien-être personnel et je me suis focalisée sur la question de la communauté, sur la conscience du groupe plutôt que sur moi-même. Nous avons institué le rituel du bain de vapeur à l'indienne.
De bonne heure le dimanche matin on se rassemblait dans une hutte spéciale et on s'accroupissait au-dessus du tas de pierres brûlantes au centre. Ensuite, on sortait, on prenait une douche, on mettait nos plus beaux habits et on s'asseyait à la table des repas. On ne parlait pas, on ne mangeait pas, mais on restait à table pendant une heure ou deux, sans rien faire ! Nous avions le sentiment de faire une grande fête ensemble. On jeûnait et on restait silencieux toute la journée, une incroyable purification. Nous faisions des choses qui pouvaient paraître assez bizarres. »

(Sender Barayón (Ramón), Home Free Home. A History of Two Open-Door California Communes: Morning Star Ranch and Wheeler's (Ahimsa) Ranch, [En ligne], URL : http://www.diggers.org/homefree/hfh_02.html, consulté en mai 2013 ; traduction de l'anglais Familistère de Guise.)


Pamela Read, Larry Reed et leur fils Adam Siddharta arrivent de Haight-Ashbury à Morning Star en mars 1967. Quelques mois plus tard, ils deviennent des icônes hippies : le 7 juillet 1967, Time Magazine publie une photographie de la cabane construite par Larry à Morning Star avec Pamela nue ; l'article fait du blond Adam Siddharta âgé de 17 mois l'image du bonheur de la communauté. Pamela Read vit une année à Morning Star avant de partir pour Morning Star East au Nouveau Mexique :

« Les mauvais aspects de Morning Star pour moi ? Ça tient en un mot : la faim. Les ennuis juridiques étaient un côté des difficultés, mais nos problèmes de tribunal avaient leur contrepartie spirituelle. La faim n'avait pas de compensation. Je peux uniquement parler pour moi-même à ce sujet, mais j'étais terriblement en manque de protéines, en particulier quand j'ai été enceinte pour la deuxième fois. Au début, nous avions le jardin, et il y avait toujours du riz, des grains de millet ou de blé noir et parfois du sésame ou du soja en poudre pour faire du lait de soja, mais pendant la saison des pluies, c'était plus dur. Des gens qui venaient nous voir le week-end nous apportaient souvent à manger. Je me souviens parfaitement d'un gros et sympathique garçon Chicano qui apporta une conserve de pâté de jambon dans la "barque de la prairie" [le surnom de la cabane de Larry Reed]. Je n'ai jamais été fan du pâté de jambon, mais j'avais si faim à ce moment-là que le pâté de jambon me faisait envie. Cindy et Alan m'ont dit : « Tu ne vas quand même pas manger ça ? » J'ai hésité un peu mais au bout du compte, je l'ai dévoré en cachette. Je savais que c'était sûrement très rétrograde et j'avais honte de montrer aussi peu de spiritualité, mais j'étais affamée de protéines même si cela me fâchait et que j'étais troublée par le fait que j'étais apparemment la seule qui avait aussi faim. Ce n'était en fait pas le cas, parce que je me souviens de Marita qui avait les joues roses et les yeux pétillants quand elle est arrivée et qui après quelques mois avait l'air épuisée et anémique et n'avait plus ses règles (non, elle n'était pas enceinte). Si vous regardez sur la page 27 de l'album [de Morning Star], vous verrez une photographie d'Adam Siddharta en train de sourire avec le ventre gonflé. Je n'ai réalisé que bien plus tard que c'était le signe d'un manque de protéines [...].
Un de mes plus horribles et plus honteux souvenirs est celui d'une nuit autour d'un feu près du puits et de quelqu'un qui avait des flocons d'avoine dans du lait. Du lait ! On s'est passé des bols. J'étais enceinte, je tenais Siddharta sur mes genoux et je partageais un bol avec lui, mais j'avais si faim que j'engloutissais plus vite qu'il ne pouvait le faire et il s'est mis à pleurer. Ça a été un moment affreux. Je volais mon propre enfant. J'ai été très déprimée et renfermée après ça, ce qui aggrava le problème. Larry n'était pas affamé parce que la nuit il traînait avec des gens qui avaient à manger. Certains avaient de l'argent et de la nourriture à certains moments, d'autres avaient de quoi manger tout le temps, et habituellement, ils faisaient à manger la nuit. Mais j'étais trop fatiguée pour traîner avec qui que ce soit. J'allais me coucher pour ainsi dire avec le soleil. »

(Read (Pamela), Infinite Points of Time: Morningstar Chronicles. Part I (California), [En ligne], URL : http://www.diggers.org/most/mstar_chron1.htm, consulté en mai 2013 ; traduction de l'anglais Familistère de Guise.)


Le 21 octobre 1968 des bulldozers entrent dans Morning Star pour détruire les constructions illicites de la communauté. Une jeune résidente, Near, est témoin de la scène :

« Huit heures. Le grand bruit métallique de la cloche des bulldozers a réveillé ceux qui dormaient encore à Morning Star. Deux camions-bennes avec une équipe de huit hommes est arrivée. Certains avaient amené leurs enfants adolescents pour voir la "fête". Ils avaient un plan établi par le procureur du district avec l'indication de tous les logements. Les résidents ont été sommés de ramasser ce qu'ils pouvaient et de déguerpir. Ceux qui avaient un tepee se sont dépêchés de les démonter et de cacher la toile et les perches. D'autres ont ramassé leur sac de couchage et sont allés les cacher dans les bois. Des résidents ont supplié l'équipe de démolition de ne pas détruire leurs maisons. Le porte-parole des démolisseurs a comme de bien entendu dit qu'ils obéissaient aux ordres et il a affirmé qu'ils avaient l'intention de faire ce pour quoi ils étaient payés.
Je les ai suivis en récitant à haute voix des passages de l'Ancien Testament, nue comme d'habitude, quand ils ont démoli les maisons. Ils ont essayé de ne pas faire attention à moi, même si j'en ai quelque peu distrait une partie. Une heure plus tard, des amis sont revenus d'une excursion en ville avec deux pastèques. On s'est rassemblé pour une pastèque party en invitant l'équipe de démolition à se joindre à nous. L'équipe a ignoré l'invitation. On se tenait à peu près à cinq mètres de la maison qu'ils étaient en train de démolir. Nous avons chanté "Hare Krishna" et d'autres chants spirituels. Un messager est parti au Wheeler ranch les informer de la destruction. Quelques heures plus tard, Bill [Wheeler] et David-le-fou sont apparus avec une caméra et du matériel de son. Ils ont enlevé tous leurs vêtements avant de filmer et d'enregistrer. La caméra dérangeait visiblement les démolisseurs mais ils ont continué leur travail. À ce moment, la police est arrivée pour protéger l'équipe de démolition. Des gentils barjots ont sorti leurs guitares et leurs flûtes pour faire de la musique. D'autres ont chanté et dansé, la plupart nus. Quelques uns ont suivi deux démolisseurs jusqu'à la maison de David et Cathy dans un bosquet de séquoias près du ruisseau. Comme le bulldozer ne pouvait pas entrer dans le bosquet, les hommes ont emporté des barres de démolisseurs. Avant d'attaquer la maison, ils ont appelé à évacuer : « Foutez le camp ! On va tout péter ! » David a hurlé.
Un policier a été appelé, et David et Cathy ont été mis dehors. Cathy était enceinte de huit mois. Elle implorait les hommes de laisser leur maison tranquille et elle s'est mise à pleurer. Elle est restée là, en pleurs, à regarder la démolition de la maison où elle prévoyait d'avoir son bébé. Toutes les maisons ont été détruites. Les démolisseurs ont empilé le bois et ils y ont mis le feu. Les restes du brasier se sont consumés et ont fumé pendant deux mois.
Les bulldozers n'ont pas eu besoin de revenir le lendemain. Neuf heures passées, quand on a été certains qu'ils ne reviendraient pas, les marteaux et les scies se sont fait entendre. Les gens ont commencé à construire de nouveaux logements. Cette fois, les structures étaient faites pour pouvoir les démonter rapidement et les cacher dans les bois au cas où les démolisseurs réapparaîtraient. Les tepees ont été à nouveau dressés et la belle vie a continué à Morning Star. »

(Sender Barayón (Ramón), Home Free Home. A History of Two Open-Door California Communes: Morning Star Ranch and Wheeler's (Ahimsa) Ranch, [En ligne], URL : http://www.diggers.org/homefree/hfh_17.html, consulté en mai 2013 ; traduction de l'anglais Familistère de Guise.)


LSD NOT LBJ

Badge « LSD not LBJ » (du LSD, pas de Lyndon Baines Johnson)
Métal, plastique · États-Unis, vers 1963-1968


Morning Star Ranch, se forme en tant que communauté au cours d'expériences psychédéliques. La modification des états de conscience par l’usage de psychotropes est un trait de la contre-culture américaine des sixties, provoquant la société incarnée ici par les initiales de Lyndon Baines Johnson, successeur de John Kennedy à la présidence.
« Puis en 1964 sont apparus les psychotropes et les consciences ont changé. De nouvelles possibilités se sont ouvertes, des mondes dont nous n’avions jamais rêvé, presque comme un nouveau spectre de couleurs. C’était comme si j’avais vécu dans une prison sans m’en rendre compte. Notre sentiment pour la beauté de la vie s’est développé, pour des choses qui nous avaient toujours semblé ordinaires. Une feuille, un brin d’herbe, n’importe quoi prenait une intensité incroyable. J’ai éprouvé une joie réelle à quitter mon existence antérieure. » (Gina Stillman, membre de Morning Star Ranch, citée par Ramón Sender Barayón, Home Free Home. A History of Two Open-Door California Communes...)


Dans le verger de Morning Star Ranch
Photographie Sylvia, 1967 · Morning Star Scrapbook, collection Ramón Sender Barayón



Sources et références

Fairfield (Richard), « Morning Star », dans The Modern Utopian, « Communes, U.S.A. », 1971, p. 110-119, 129.

Fairfield (Richard), « The Taos Communes », dans The Modern Utopian, « Communes, U.S.A. », 1971, p. 85-86.

Stewart (John), « Taos, 1970 », dans The Modern Utopian, « Utopia, U.S.A. », 1972, p. 109-114.

Graves (Howard), « Taos, 1971 », dans The Modern Utopian, « Utopia, U.S.A. », 1972, p. 114-115, 119.

Sender Barayón (Ramón), Home Free Home. A History of Two Open-Door California Communes: Morning Star Ranch and Wheeler's (Ahimsa) Ranch, [En ligne], URL : http://www.diggers.org/home_free.htm, consulté en mai 2013.



voir