Cedarvale Community

Loin du Kremlin : Liberté, Égalité, Fraternité.
Une micro-expérimentation russo-américaine attire des émigrés anti-tsaristes dans le sud du Kansas depuis 1871.

La place du Tsar et le Kremlin à Moscou · photochrome, Detroit, Michigan, 1905 · Library of Congress, Washington D.C.

Le socialiste Vladimir Konstantinovich Geins renonce à la carrière militaire, et pour échapper à l'autoritarisme de l'Empire russe, il émigre en 1868 aux États-Unis où il prend le nom de William Frey. Il sollicite son admission au sein de la communauté d'Oneida, mais en mars 1870 Frey et sa famille intègrent la colonie fouriériste de Réunion au Texas, au moment où celle-ci périclite. Frey ne renonce pas à la vie communautaire (sans liberté amoureuse ou « mariage complexe » oneidien toutefois). Avec un ami américain du nom de Stephen Briggs, il entreprend le voyage jusqu'au sud du Kansas où des terres s'ouvrent à la colonisation. Leur capital se compose de 231,50 $, d'une vache, d'un chariot et de quelques instruments agricoles. Ils parviennent en « terre promise » après 12 jours éprouvants et sont bientôt rejoints par la femme et la belle-sœur de Frey, qui apportent un lit de camp, neuf poules, un veau et un chat. En avril 1871, les pionniers ont construit un abri de trois pièces et ont mis des terres en culture.

La publication d'annonces dans le Communist d'Alcander Longley va permettre à la communauté de Cedarvale de se développer : « On recherche la coopération de communistes sincères pour la réalisation la plus parfaite de l'habitation véritable fondée sur la Liberté, l'Égalité et la Fraternité ». En avril 1872, la colonie compte 10 adultes, essentiellement des Russes. La Progressive Cedarvale Community est reconnue par l'État du Kansas au cours de la même année. L'économie de la colonie repose sur l'agriculture. Elle possède 16 hectares de terres clôturées et 1,5 hectare de vergers et de vignes, 4 chevaux, 4 bœufs, 3 vaches et des veaux. Elle a édifié une maison et une étable. Le groupe pratique une fois par semaine la « critique mutuelle », institution de régulation sociale imaginée par la communauté d'Oneida. Les colons s'abstiennent de tabac, de thé, de café et de viande de porc.

Au printemps 1875, la communauté accueille trois nouvelles familles et occupe près de 200 hectares. Frey décide alors de faire sécession de la colonie de Cedarvale que gouvernent alors des spiritualistes et des guérisseurs. Les Frey se retirent avec une autre famille sur une partie du domaine pour fonder l'Investigating Community (communauté de recherche), vouée au communisme et à la monogamie. À l'automne suivant, un groupe d'émigrés russes, attirés par la réputation de Cedar Vale, frappe à la porte de Frey. Il s'agit de communistes religieux perfectionnistes, des « hommes-dieu » engagés dans les mouvements révolutionnaires en Russie dans les années 1860 et qui ont maintenant renoncé à la violence. Plutôt qu'intégrer la pauvre Investigating Community, les God-men choisissent de s'installer à quelques kilomètres de la maison des Frey. Ils nomment leur colonie Cedarville Community. Incapables de s'organiser efficacement, ils s'en remettent bientôt au plus expérimenté William Frey qui « règne » désormais sur un domaine de quelques dizaines d'âmes. Il impose en effet une discipline sévère aux membres de la colonie. Le strict régime végétarien et les éprouvantes séances de critique mutuelle finissent par épuiser ses compatriotes perfectionnistes. La communauté se sépare à la fin de 1877.

Témoignages

Sources et références

Nordhoff (Charles), The Communistic Societies of the United States, 1960, p. 304.

Saul (Norman E.) et McKinzie (Richard D.) éd., Russian-American Dialogues on Cultural Relations, 1776 - 1914, 1997, p. 136 et ss.

Trahair (R.C.S.), Utopias and Utopians: an Historical Dictionary, 1999, p. 65.

Fogarty (Robert S.), All Things New: American Communes and Utopian Movements, 1860 - 1914, 2003, p. 107-110.



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