Communauté informelle.
Prairie Home intrigue l'enquêteur MacDonald en 1844 :
- Avez-vous des statuts ?
- Non.
- Est-ce la majorité qui gouverne la minorité ?
- Non.
- Représentez-vous une opinion quelconque ?
- Non.
Des habitants de l'Ohio fondent en 1843 Prairie Home Community à leur retour d'une convention fouriériste à New York. Considérée en général comme une phalange, la communauté ne présente cependant aucun trait particulier de fouriérisme. Une colonie de 130 personnes s'établit sur un domaine de 200 hectares près de West Liberty dans le comté de Logan : ils sont natifs de l'Ouest, pour la plupart agriculteurs, de confessions différentes bien que beaucoup de quakers libéraux abolitionnistes (Hicksite) soient mentionnés parmi eux ; les enfants sont peu nombreux.
En août 1844, l'écossais owéniste A. J. MacDonald visite Prairie Home et y voit deux maisons à un étage, quelques cabanes, un grand moulin à farine, une vieille scierie, un hangar servant de salle à manger collective. Prairie Home possède également à 15 km au nord une ferme à Zanesfield nommé Highland Home. La colonie est à l'étroit : hommes et femmes se séparent le soir pour dormir les unes à l'étage et les autres au rez-de-chaussée de la maison d'habitation. MacDonald observe que les membres de la communauté sont végétariens. Les animaux acquis avec le domaine sont laissés en liberté. Les colons sont versés dans la phrénologie, le magnétisme et l'hydropathie. Les hommes se laissent pousser la barbe et les cheveux. Ils sont adeptes d'un "Fais ce que tu veux" anarchiste suivant lequel ils se dispensent de toute organisation collective. Prairie Home n'a pas de gouvernement, elle est dépourvue de règlement, n'édicte aucun critère d'admission dans la colonie et ne fixe aucune contrainte au travail. Prairie Home héberge ainsi de nombreux oisifs. MacDonald constate que les travaux sont menés avec entrain mais qu'ils manquent de direction. Il semble que la répartition des tâches entre les sexes soit traditionnelle. Femmes et hommes participent également cependant aux assemblées où sont librement (et posément, note MacDonald) discutées les questions agricoles ou financières intéressant la communauté.
En octobre 1844, Prairie Home n'est plus en mesure d'honorer les traites d'acquisition du domaine qui retourne à son propriétaire d'origine. La communauté se disperse.
L'Écossais A. J. MacDonald visite Prairie Home en août 1844 :
« En arrivant à West Liberty, je me suis empressé d'obtenir des renseignements sur la communauté. Mais après qu'on m'ait dit avec détachement et en hésitant qu'elle était quelque part sur la route d'Urbana, et voyant que les gens de la ville semblaient ignorer sa situation ou s'en moquer, mon ardeur a été sensiblement refroidie, et j'ai commencé à me demander si il y avait quelque chose d'intéressant à découvrir ici. J'avançais cependant, impatient de voir le lieu.
En atteignant l'endroit où l'on m'avait dit que je pouvais trouver la communauté, j'ai quitté la route principale pour prendre un chemin et j'ai bientôt rencontré un individu à l'allure décharnée, fruste mais poli, qui avait l'apparence d'un quaker, et dont j'appris par la suite qui il était. Il m'a parlé avec gentillesse en m'indiquant la direction à suivre. Il y avait une maison à un étage à l'entrée du chemin, qui était la propriété de la communauté ; il y avait également une cabane de rondins de l'autre côté du chemin. Après avoir marché un peu, je suis arrivé près d'une autre maison à un étage en face de laquelle se trouvait un grand moulin à farine sur un petit torrent, et une vieille scierie d'aspect très rudimentaire. À la porte de la maison d'habitation, un groupe de femmes et de jeunes filles triaient de la laine, et comme il était juste midi, de nombreux hommes venaient des différentes parties de la ferme pour déjeuner. À l'arrière de la maison se trouvait un long hangar avec une table rustique au centre et des madriers de chaque côté pour faire asseoir 30 ou 40 personnes. On m'a fait bon accueil et j'ai été invité à déjeuner. Ce fut un excellent repas consistant en un tas de morceaux de pain noir grossier, d'assiettes de pommes de terre non pelées, de soupe de pommes de terre et d'une provision de melons en second plat.
Je me suis assis à côté d'un Docteur Hard, qui a remarqué que je prenais un peu de sel avec mes pommes de terre et m'a fait observer que si je m'en abstenais, je perfectionnerais mon sens du goût. Il y avait peu de sel sur la table et je n'ai vu personne y toucher. Il n'y avait aucune nourriture d'origine animale à l'exception de lait, dont se sont servis un ou deux d'entre eux. Tous ont semblé manger de bon coeur. Les femmes faisaient le service, mais en raison du menu restreint, chacun se servait soi-même, de sorte que le service n'était presque pas nécessaire. Tous faisaient preuve d'une politesse sans manières. »
(A. J. MacDonald cité dans Noyes (John Humphrey), History of American Socialisms, 1870, p. 317-318 ; traduction Familistère de Guise.)
L'Écossais A. J. MacDonald visite Prairie Home en août 1844 :
« Prairie Home, dimanche 26 août. Dans la matinée, a eu lieu une assemblée de tous les membres. Le temps était trop humide et froid pour se réunir sur la colline comme c'était prévu ; aussi ils se sont déplacés dans le moulin à farine et s'assirent comme ils purent, sur des chaises et des planches, hommes et femmes mélangés. Une telle réunion présentait un caractère inédit à mes yeux. Il n'y avait pas de président, pas de secrétaire et pas de constitution ou de règlement pour en garantir le bon déroulement. Pourtant, je n'ai jamais vu une réunion aussi bien organisée. Les discussions ont porté principalement sur les sujets d'agriculture. Un homme s'est levé, a parlé d'un travail de labour à réaliser le lendemain et dit qu'il s'en chargerait, si les frères et les soeurs jugeaient qu'il n'y avait rien de mieux à faire. Un autre s'est levé et a dit qu'il se porterait bien volontaire pour labourer s'il plaisait au précédent de faire autre chose. Ils entretiennent une certaine concurrence pour les taches à accomplir par chacun, et cependant, grâce à un solide principe de non-résistance, ils aplanissent toutes les difficultés. Il y a eu des échanges à propos d'argent et de location de la propriété ; plusieurs personnes se sont exprimées, aussi bien des hommes que des femmes, apparemment comme cela leur venait à l'esprit. En conclusion de l'assemblée, ils essayèrent de chanter, mais le résultat fut médiocre. »
(A. J. MacDonald cité dans Noyes (John Humphrey), History of American Socialisms, 1870, p. 321 ; traduction Familistère de Guise.)
Noyes (John Humphrey), History of American Socialisms, 1870, p. 316-327.