Red Hill

Red Hill, premier « Tucker village ».
L'association du révérend Horace Tucker fonde en 1892 plusieurs villages dans l'État de Victoria. Quelques dizaines de familles de chômeurs de la capitale espèrent de la coopération agricole une indépendance économique et sociale. En attendant les récoltes, Red Hill compte sur la vente de bois de chauffage à Melbourne, distante de 80 km et desservie par le train.

La scierie de Red Hill · photographie George Rose, vers 1892 · State Library of Victoria

La dépression économique du début des années 1890 en Australie laisse désœuvrés un grand nombre de travailleurs. Le climat social est particulièrement tendu. La grande grève des tondeurs de moutons, déterminante dans l’histoire sociale et politique australienne, agite le pays de janvier à juin 1891. Les grandes villes voient affluer de l’intérieur du pays des ouvriers au chômage. Un ministre du culte de Melbourne, le révérend Horace Tucker, propose de créer dans l’État de Victoria des colonies coopératives agricoles pour les familles des chômeurs de la ville. En février 1892, il fonde avec le révérend Charles Strong The Village Settlement Association, lance une souscription et cherche à intéresser le gouvernement. Tucker fait valoir que l'État serait bien plus efficace en organisant des villages coopératifs qu’en finançant la soupe populaire.

En mars 1892, Tucker expose son plan devant le clergé de Melbourne réuni à l’hôtel de ville. L'association pour la fondation de villages poursuit les objectifs suivants : occuper les chômeurs, favoriser la colonisation du pays, appliquer à l’agriculture les méthodes de la coopération en préservant l’indépendance des individus, développer la vie sociale, familiale et spirituelle de la communauté villageoise par la constitution d’associations de travailleurs. L’idée de Tucker est de substituer à la charité un système d'émancipation économique et sociale des travailleurs pauvres, système qui combine ruralité, coopération et propriété individuelle. Le communisme et la démocratie en moins, le projet n'est pas sans rapport avec la Nouvelle Australie de William Lane et la première application de son programme à Alice River par les tondeurs de moutons grévistes.

The Village Settlement Association est dirigée par un conseil présidé par Horace Tucker. Elle recueille des fonds par souscription auprès du public ou du gouvernement, finance l'acquisition de terres, sélectionne à Melbourne les candidats à la colonisation et prend en charge les frais de leur installation. Sept villages sont créés dans l’État de Victoria au cours de l'année 1892. Ils sont accessibles par le chemin de fer pour faciliter la colonisation et maintenir un lien étroit avec le conseil de l'association à Melbourne. Celui-ci nomme un directeur à la tête de chaque village. Des experts de différentes branches d’activité assistent les nouvelles communautés. L'élevage, l'exploitation forestière, les travaux d'irrigation ou la construction des maisons d’habitation sont menés en coopération. Les colons travaillent huit heures par jour et cinq jours par semaine pour la communauté. Leur compte est crédité des revenus de leur travail et débité des frais engagés par la communauté.

Chaque famille se voit attribuer une parcelle de quelques hectares qu'elle cultive en dehors du temps de travail communautaire pour subvenir à ses besoins et pour rembourser à l'association le coût de l'acquisition foncière et des différentes aides qui lui sont avancées pendant la première année. Les villages disposent de réserves foncières non alloties, destinées à la récolte de fourrages et au pâturage notamment, sur lesquelles les colons doivent devenir collectivement propriétaires. Quelques équipements collectifs sont créés. Dans la pensée de Tucker, le gouvernement des villages sera confié à leurs habitants une fois qu'ils auront atteint une autosuffisance économique. Environ 700 personnes vivraient dans les « Tucker villages » en mai 1893. Les colonies les plus importantes sont Red Hill, près de Drouin, et Wonwondah, près de Horsham. Le mouvement initié par Tucker et Strong inspire le Crown Land Act de 1893 qui autorise la création de colonies rurales gouvernementales. En 1894, Horace Tucker publie un roman utopien transposant l'expérience des « Tucker villages » : New Arcadia. An Australian Story.

Le premier village agricole est fondé en avril 1892 à Jindivick, à 80 km à l'est de Melbourne et à une dizaine de kilomètres de la station de chemin de fer de Drouin. The Village Settlement Association a acquis à un prix raisonnable une propriété de 35 hectares non cultivés, qu’elle divise en parcelles de 3 à 4 hectares. Dix familles démunies de Melbourne sont choisies parmi 200 candidates. L’association attribue à chacune une parcelle et lui garantit de subvenir à ses besoins pendant 12 mois. Le public est appelé à offrir des provisions aux néo-villageois. Pour rembourser le prix de leur terre et les avances qui leur sont faites, les colons – des menuisiers, des forgerons, des cordonniers et d’autres artisans – doivent, en attendant les premières récoltes, s’employer à divers travaux de leur compétence dans les environs. Ils consacrent leur temps libre au défrichage, à la clôture et à la culture de leur parcelle. Les colons vivent provisoirement sous des tentes avant d'avoir pu édifier des cottages sur leur domaine. Au cours de l'été 1892, l'association décide de déplacer le village de Jindivick à Red Hill où une scierie est en construction. Le site de 125 hectares se trouve à quelques kilomètres de Jindivick, le long de la voie ferrée entre Drouin et Longwarry. Le domaine est plus étendu que le précédent et il est favorable à l'expédition à Melbourne de bois de chauffage dont l'association attend les recettes qui permettront à la colonie de devenir indépendante.

Un an plus tard, Red Hill comprend une vingtaine de familles (115 personnes). Selon les principes de l'association, une parcelle de quelques hectares est attribuée individuellement à chaque famille qui peut la cultiver pour ses propres besoins, alors que l'activité de la scierie est coopérative et que ses bénéfices profitent à la communauté. Les arbres de la forêt sont tirés jusqu'à la scierie par des attelages de bœufs ; le bois débité est transporté sur des rails installés par la colonie jusqu'au quai de chargement de la voie de chemin de fer.

Les revenus des villages sont toutefois insuffisants. Faute de plantations adaptées la première année, la production agricole ne s'est pas développée. En 1895, The Village Settlements Association doit faire face à une dette de 3 000 £. Tucker et Strong doivent payer de leur poche 1 000 £. L'aide de 1 000 £ attribuée par le gouvernement ne permet pas de redresser la situation des Tucker villages, dont il n'est plus question dans la presse après 1895.

Témoignages

Sources et références

The Argus, 29 mars 1892, 6 avril 1892, 29 avril 1892, 11 mars 1893, 23 août 1893.

The Horsham Times, 10 mai 1892, 20 mai 1892, 30 août 1892, 26 mai 1893.



voir