Lowbands

Cottage avec eau courante.
La deuxième colonie chartiste est ouverte en 1847. Les gagnants de la loterie des terres de Lowbands s’installent dans des cottages hygiénistes qui font l’admiration des visiteurs.

Cottage de Lowbands · (cc) photographie Roger Davies, 2009

Le mouvement chartiste promeut la liberté et la démocratie en Grande-Bretagne par une réforme du système électoral – avec instauration du suffrage universel – et s'engage pour la justice sociale par la lutte contre la pauvreté. Pour permettre aux populations pauvres des villes de vivre en autosuffisance dans des colonies rurales et d'obtenir le droit de vote conditionné au statut foncier des individus, le mouvement décide de créer en 1845 la Chartist Cooperative Land Company. L'ambition du chartisme est l’émancipation de la classe laborieuse par la création d’une république paysanne fondée sur de petites exploitations agricoles. Le fondateur de la Chartist Land Company, Feargus O'Connor, fait l'apologie de la petite parcelle comme le meilleur moyen pour les familles ouvrières de gagner aisance et indépendance. Grâce aux souscriptions de 70 000 modestes travailleurs, la société recueille des fonds importants qui lui permettent de faire l'acquisition de cinq domaines en Angleterre : O'Connorville, Lowbands, Charterville, Snigs End et Great Dodford.

En décembre 1846, alors que la construction des bâtiments de son premier village, O’Connorville, s’achève, la Chartist Land Company prend possession d’un deuxième domaine dans le Gloucestershire. Lowbands naît de la réunion de deux fermes, Lowbands et Applehurst, pour couvrir une superficie totale d’environ 70 hectares, le tout acquis pour le prix de 8 560 £. Les 46 parcelles loties sont attribuées aux souscripteurs par tirage au sort : il y a 23 parcelles de 1,6 hectare, 8 de 1,2 hectare, 15 de 0,80 hectare. O’Connor souligne la continuité de l’œuvre chartiste en amenant à Lowbands la mascotte de O’Connorville, la vache « chartiste » Rebecca. Toutes les conditions du succès paraissent réunies dès l’origine. Le site présente des avantages appréciables pour l'agriculture : les ressources en eau sont importantes, il n’est pas nécessaire d’y forer de puits. Sur 70 hectares de terres, 4 hectares sont maintenus en prairies inondables.

O’Connor prend en main la construction des bâtiments de la nouvelle colonie. La tâche est aisée, la région regorge de matériaux de construction bon marché. Grâce à cela, la colonie est prête à accueillir les premiers colons en août 1847. Les gagnants de la loterie ont le choix entre des maisons de trois pièces avec dépendances ou des maisons de quatre pièces sans dépendances. La qualité des bâtiments suscite l’admiration des visiteurs. Tirant parti de la disponibilité des ressources en eau, chaque cottage a sa propre pompe. Associée à des latrines individuelles, elle est pour les habitants une véritable révolution sanitaire, un an avant le Public Health Act de 1848. Les cottages chartistes tendent avec Lowbands à s’imposer comme modèle d’amélioration de l’habitat de la classe laborieuse. En plus des bâtiments d’habitation, on édifie aussi une vaste maison d’école. Un plan du domaine est publié dans The Northern Star du 13 février 1847, qui reflète les choix de Feargus O’Connor. Comme à O’Connorville, les cottages s’organisent autour d’un réseau très simple de voies de moins de trois mètres de largeur, de façon à libérer la plus grande surface cultivable possible. On fait le choix de la culture des arbres fruitiers, coûteuse mais populaire : une double rangée de poiriers est ainsi plantée symboliquement de part et d’autre de la route desservant chaque cottage, sur une distance totale de près de 13 kilomètres. Tous les attributaires vivent et cultivent leurs terres selon les prescriptions de O’Connor. Les méthodes agricoles chartistes tendent à devenir une véritable doctrine. Elles sont surtout portées par le volontarisme et l’enthousiasme du fondateur, qui entame l'entreprise de Lowbands par un acte hautement théâtral : son entrée dans le domaine à la tête de 22 chevaux de trait.

Cette démonstration cristallise les critiques à propos de la gestion financière hasardeuse et irréaliste de O'Connor. Ses méthodes agricoles sont aussi contestées. L'usage massif de fumier ne présente selon certains aucun avantage par rapport aux pratiques des fermiers des environs. Elles suscitent vite des débats au sein même de la communauté car elles sont longues et contraignantes. Par exemple, au lieu de labourer, O’Connor préconise l’emploi d’une fourche pour casser la terre. On sème également systématiquement dans des sillons au lieu de semer à la volée comme les fermiers locaux, sous prétexte d’économiser les semences et d’améliorer la qualité des récoltes. Pour soutenir ce qui n’est en réalité qu’une agriculture biologique traditionnelle, certains visiteurs présentent les récoltes de blé ou de pommes de terre comme des records. Même le très sceptique John Revans, menant une enquête pour les Poor Law Commissioners y trouve des succès isolés. Cependant, l'opinion générale est que les petites parcelles restent défavorisées par rapport aux grandes unités labourées à la charrue.
Malgré l’euphorie et les relatifs succès agricoles des débuts, l’histoire de Lowbands, comme celle des autres colonies chartistes, est marquée par des conflits à propos du loyer des parcelles et par le retour à la ville d'une partie des colons. Après la dissolution en 1851 de la Chartist Land Company, déclarée illégale faute de pouvoir présenter la signature de ses milliers d'actionnaires, le domaine est vendu aux enchères et il ne reste que quelques colons sur le site. Dans l'ensemble de ses villages, la Chartist Cooperative Land Company n'est parvenue à installer que 250 familles sur les 70 000 souscripteurs rencensés en 1848. Lowbands conserve aujourd'hui ses petites exploitations, avec une situation calme, rurale, retirée du monde, une vue exceptionnelle sur le pays de Malverns. Les vergers rappellent les poiriers plantés aux origines. Les cottages subsistent ainsi que l’école, devenue une maison particulière.

Témoignages

Sources et références

Hardy (Dennis), Alternative Communities in Nineteenth Century England, 1979, p. 89-93.



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