L'Essai d'Aiglemont

Robinson des Ardennes.
L’anarchiste Fortuné Henry renonce aux attentats et se retire dans la forêt pour « former la cellule initiale des sociétés futures ».

Fortuné Henry devant sa hutte d’Aiglemont · carte postale, 1904 · collection Éric B. Coulaud

La colonie libertaire d'Aiglemont, baptisée L'Essai, est fondée par Fortuné Henry après la période des attentats anarchistes de 1892 - 1894. Émile Henry, frère de Fortuné, est guillotiné pour attentat en 1894. Fortuné Henry a de son côté passé 13 années en prison. Renonçant à la défense violente de la cause anarchiste, il se retire seul dans les Ardennes à Aiglemont. Fortuné Henry loue un pré dans une clairière du bois de Gesly à l'écart du village où il se construit une hutte de glaise recouverte de branchages : « ici nous ferons des hommes libres et nous aiderons à déterminer la cellule initiale des sociétés futures » (Maitron 2000). Un petit groupe d'anarchistes le rejoint, dont André Mounier, ingénieur agronome. Ils parviennent à développer une ferme et construire une habitation plus confortable. La colonie n'a jamais dépassé les 20 personnes avec les hôtes de passage : Fortuné Henry souhaite que la communauté reste étroite pour préserver son harmonie. L'Essai suscite la sympathie des Ardennais et bénéficie du soutien du milieu anarchiste français qui souscrit aux emprunts lancés par la colonie. Les journalistes français et étrangers attirés à Aiglemont donnent une image idyllique de la colonie. L'anarchisme a ici un visage paisible. En 1906, les colons installent une imprimerie et se lancent dans l'édition de brochures et d'un journal, Le Cubilot. C'est un tournant dans l'histoire de la colonie. Le Cubilot se consacre avec succès au syndicalisme révolutionnaire et à l'action antimilitariste. L'interdiction du journal en 1908 précipite la disparition de la communauté, fragilisée par les tensions entre les libertaires d'Aiglemont.

Témoignages

RENVERSER LA MARMITE

Marmite similaire à celle utilisée par Émile Henry pour confectionner l’engin explosif
de l’attentat de la rue des Bons-Enfants à Paris en 1892 · Fonte de fer · France, vers 1900


Lorsqu’il se retire dans la clairière d’Aiglemont, l’anarchiste Fortuné Henry manifeste qu’il renonce à la « propagande par le fait », c’est-à-dire à la lutte armée contre la bourgeoisie. En 1892, il a été condamné à la prison. Il purge encore sa peine en mai 1894 quand son jeune frère Émile est guillotiné, coupable d'être l'auteur de l’explosion meurtrière du commissariat de la rue des Bons-Enfants à Paris.
« Par mon acte, déclare Émile Henry au cours de son procès, j’ai voulu venger les mineurs de Carmaux. Pour aujourd’hui, bornons-nous aux faits matériels. Je me suis procuré une marmite, des capsules de fulminate de mercure et de la mèche de mine. Puis j’ai réfléchi que le système dit à renversement valait mieux. J’ai fait un mélange de vingt cartouches de dynamite, de chlorate de potasse et de soude. J’ai installé mon détonateur. » (Le Matin, 29 avril 1894.) Avant de déposer son engin, Émile l’enveloppa dans un numéro du journal Le Temps qui relatait l’arrestation de son frère Fortuné.


Fortuné Henry devant sa hutte d’Aiglemont
Carte postale, 1904 · Collection Éric B. Coulaud



Sources et références

Maitron (Jean), Le mouvement anarchiste en France, t. I : Des origines à 1914, 1972.

Bigorgne (Didier), « La colonie libertaire d'Aiglemont : un milieu libre et de propagande », dans Villages ouvriers, Utopie ou réalités ?, L'Archéologie industrielle en France, n° 24 - 25, 1994.

Shalaaz, Milieux libres (1890 - 1914), 2005, p. 7-9, [En ligne], URL : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=299, consulté en décembre 2010.



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