Le Milieu libre de Ciorfoli

Milieu libre du maquis.
Le notaire du village corse de Cognocoli accueille en 1906 un petit groupe d'anarchistes d'Alger qui veulent vivre hors des ténèbres des préjugés, des lâchetés et de l'autorité.

Le village de Cognocoli, photographie anonyme, vers 1930 · collection Mairie de Cognocoli-Montichi

En 1905, de jeunes anarchistes d'Alger chargent l'un de leurs amis d'étudier la possibilité d'établir un milieu libre en Corse. Maurice Fournié est mis en relation avec le socialiste Louis Costa, notaire à Cognocoli, qui se montre tout à fait favorable au projet de création d'une colonie agricole dans son village. Enchantés du rapport fait par leur camarade, Marcel Ducher, fils de bonne bourgeoisie, le menuisier Isidore Escalaïs, sa femme et sa fille, l'ouvrier métallurgiste Borgioli et sa femme sont prêts à tenter l'aventure : « Par l'exemple de notre vie, nous montrerons le chemin aux voyageurs égarés dans les ténèbres des préjugés, des lâchetés et de l'autorité » (Maitron 1972). Ils vivent en communauté depuis quelques temps et jugent que leur entente est parfaite. Les colons arrivent à Cognocoli en avril 1906. Le notaire Louis Costa leur loue une propriété de 28 hectares, Ciorfoli, appartenant à son frère et met une maison à leur disposition. Les colons disposent d'un petit capital de 500 francs. Sur le conseil de Fortuné Henry, fondateur de l'Essai d'Aiglemont, leur association reste informelle. Au mois d'août suivant, la colonie a mis en culture un potager de un hectare et possède deux cochons, deux chèvres, une quinzaine de lapins, une cinquantaine de pigeons et des poules.

Marcel Ducher se met cependant à voir beaucoup plus grand. Il soumet à son riche parrain Louis Griveau un plan d'exploitation agricole d'envergure. Griveau satisfait l'ambition de son filleul en louant lui-même la propriété et en consentant à acquérir pour près de 6 000 francs un cheptel conséquent : 8 vaches laitières, 20 brebis, 38 cochons, 50 taurillons, 300 poulets, 20 canards, 10 dindes et 20 pintades. Ducher sollicite encore son parrain pour louer 17 hectares supplémentaires et acheter un matériel considérable. Mais soudainement, l'affaire est complètement abandonnée : en novembre 1906, Marcel Ducher s'enfuit avec la femme et la fille d'Escalaïs en son absence, suivi par Borgioli qui fait main basse sur tout ce qu'il peut emporter. Griveau charge le notaire Louis Costa de liquider l'exploitation anarchiste et subit une perte de plus de 8 000 francs.

Témoignages

Sources et références

Maitron (Jean), Le mouvement anarchiste en France, t. I : Des origines à 1914, 1972



voir