Imprimerie de Boussac

Colonie typographique.
Avec l’aide de George Sand, le socialiste Pierre Leroux installe en 1845 une imprimerie à Boussac dans la Creuse, qui réunit une communauté de typographes : leur association industrielle et agricole doit donner l’exemple d’une solution sociale.

Caractères typographiques · (cc) photographie Kevin N. Coleman, 2011

Malgré son origine modeste, Pierre Leroux poursuit des études solides au lycée Charlemagne à Paris. Il réussit en 1816 le concours d'entrée de l'École polytechnique, mais renonce à l'intégrer pour subvenir aux besoins de sa famille et se fait maçon puis typographe. Il travaille notamment à la composition de la revue littéraire Le Globe, dans laquelle il publie des articles de philosophie et dont il prend la direction en 1828 au moment où Le Globe devient un journal politique saint-simonien. Pierre Leroux adhère brièvement à la doctrine de Saint-Simon – une réorganisation du travail planifiée par une élite industrielle et religieuse – avant de considérer l'idée d'association comme le levier de la réforme sociale pacifique. Le « socialisme » de Pierre Leroux (il forme ce néologisme au début des années 1830), est un associationnisme ou solidarisme chrétien, distinct du fouriérisme ou du communisme owénien. Leroux poursuit à Paris une activité d'auteur et d'éditeur de revues qui l'amène à se lier à George Sand.

C'est l'écrivain de Nohant qui attire Pierre Leroux à Boussac, sous-préfecture de la Creuse, où il obtient en 1843 un brevet d'imprimeur. Il installe ses presses dans un ancien hospice transformé plus tard en école. Avec l'aide de son frère Jules Leroux (qui émigre par la suite en Californie à Icaria Speranza) et le soutien financier et littéraire de sa voisine George Sand, il édite ses ouvrages de propagande de la réforme et entreprend en 1845 la publication d'une nouvelle revue, La Revue sociale, ou solution pacifique du problème du prolétariat. Leroux est rejoint dans la Creuse par des fidèles. « L'association de Boussac », où séjournent près de 80 « coreligionnaires », s'organise en une communauté industrielle et agricole dans laquelle chacun doit recevoir même salaire.

À l'atelier typographique, les associés ajoutent en 1847 l'exploitation d'une ferme de 25 hectares louée depuis quelques années par Achille-Henry Leroux, neveu de l'imprimeur : « Notre intention à tous, en nous réunissant ainsi dans une campagne, était d'unir le travail agricole au travail industriel. Selon nous, pour résoudre pacifiquement le problème du Prolétariat et détruire l'influence homicide du Capital, il fallait créer une source nouvelle de richesse. Cette richesse véritable, destinée à effacer la fausse richesse actuellement connue, devait se trouver dans un développement considérable de l'agriculture, ou, pour mieux dire, dans une agriculture nouvelle » (Desmoulins 1850). Pierre Leroux imagine une méthode de culture baptisée Circulus utilisant les excréments humains comme fertilisant, « se fondant sur la loi générale de la vie, sur la nutrition et sur la communion des êtres et déduisant de cette loi l'idée d'une création continue et progressive [...], s'appuyant enfin sur les travaux récents des chimistes allemands et des agronomes sur la puissance des différents engrais et en particulier sur la vertu reproductive des excréments de l'homme » (Desmoulins 1850). Le Circulus est pour Leroux le principe d'une économie politique nouvelle. Le développement de l'imprimerie permet de financer l'exploitation en attendant qu'elle devienne rentable. Les typographes se mettent au travail de la terre, mais les moyens font défaut.

La révolution de février 1848 et l'engagement politique des associés entraînent la dissolution de l'association : Pierre Leroux proclame la République à Boussac, est nommé maire de la ville et est élu député de la Seine en juin 1848 sur la liste des démocrates-socialistes. L’imprimerie de Boussac cesse toute activité en 1850.

Témoignages

UNION DE PLOMB

Casier de typographe
Bois, métal · France, XXe siècle


Nombreuses sont les colonies expérimentales à posséder une imprimerie. Elles se situent en marge du monde disharmonieux pour mieux y exercer leur influence par la propagande du nouveau modèle social.
Plus rares sont les communautés typographiques, comme l’Association de Boussac créée avec l’aide de sa voisine creusoise George Sand par Jules Leroux, typographe de métier et inventeur du néologisme « socialisme ».


Premier numéro de la Revue sociale éditée à Boussac, octobre 1845
Bibliothèque de l’Université de Poitiers



Sources et références

Desmoulins (Auguste), « Notes historiques sur l'association de Boussac », La Revue sociale, juin 1850.

Brémand (Nathalie), Les Socialismes et l'enfance, 2008, p. 153-159.



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