Union agricole d'Afrique

La colonisation pacifique du Sig.
L’Algérie occupée par les Français offre des territoires que le gouvernement colonial peut ouvrir à l’expérimentation, et même en 1846 à l’utopie de quelques Lyonnais.

En Algérie · photographie anonyme, 1860 - 1900 · Library of Congress, Washington D.C.

Après les saint-simoniens, des fouriéristes s’intéressent au problème de la colonisation de l’Algérie que l’armée française occupe partiellement depuis 1830. Ces « réalisateurs » jugent que l’Algérie offre l’opportunité d’un essai de phalanstère à grande échelle qui serait l’exemple d’une colonisation civilisatrice et pacifique. L’Union agricole d’Afrique est créée en décembre 1845, à Lyon, à l’initiative d’un officier de l’armée d’Afrique, Henri Gautier, et d’une fouriériste convaincue, Aimée Beuque. Une trentaine de membres constituent une société par actions : des fouriéristes lyonnais et bisontins, des officiers de l’armée française.
En 1846, Henri Gautier obtient du ministère de la Guerre et du lieutenant-général Lamoricière, un saint-simonien alors gouverneur d’Algérie par intérim, la concession d’un domaine de 3 000 hectares à Saint-Denis du Sig non loin d’Oran (aujourd'hui Sig, province de Mascara). Les statuts de l’Union, rédigés à Lyon par le docteur François Barrier, sont d’inspiration fouriériste : les travailleurs sont associés et peuvent devenir actionnaires, le travail est attrayant, chacun est assuré d’un « minimum obligatoire ». Barrier élabore un plan d’installation de la population par « essaims » successifs pour atteindre 1 500 personnes. À Oran, les membres de l’Union trouvent de nouveaux actionnaires, notamment parmi les chefs arabes de la région. Les colons construisent un bâtiment central, installent un moulin à grain qui connaît un franc succès auprès de la population indigène ; ils élèvent des moutons et cultivent quelques hectares.
Mais dès l’origine, l'Union est en proie aux difficultés : insuffisance du capital, gestion hasardeuse, nombre trop faible de travailleurs associés, emploi de domestiques. En 1853, un officier de l’armée d’Afrique constate que la colonie est pratiquement abandonnée. L'Union agricole du Sig parvient à conserver 1 700 hectares des terres que le gouvernement menace de lui reprendre en totalité. Pour sauver la société, le conseil d’administration décide de louer la plus grande part des terres du domaine. En 1865, vingt-cinq familles sont logées, dans de mauvaises conditions, à Saint-Denis du Sig. Le siège de l’Union est transféré d’Oran à Paris. Après l’assainissement de la situation financière, les fouriéristes du conseil d’administration tentent sans succès vers 1870 de renouer avec un idéal sociétaire. Ils renoncent aux revenus de la location des terres et reprennent l’exploitation du domaine. Le conseil est cependant l’objet de vives critiques de la part de ses actionnaires.
Finalement, en 1883, le conseil consent à louer le domaine à la société des Orphelinats d’Algérie, récemment créée par Henri Couturier, médecin fouriériste, député de l’Isère et administrateur de l’Union. La société, patronnée par Victor Hugo et Victor Schœlcher a le projet d’offrir aux orphelins de la métropole une éducation progressiste. Il s’agit aussi de les acclimater au pays en vue de favoriser la colonisation de l’Algérie. Ses résultats sont médiocres. La société des Orphelinats accueille avec difficulté une cinquantaine d’enfants de la région d’Oran qui sont soumis à une discipline sévère. Elle est dissoute au début des années 1890.
Le domaine de Saint-Denis du Sig revient à l’Union agricole d’Afrique. Le conseil d’administration abandonne ensuite officiellement les principes sociétaires. Selon les nouveaux statuts de 1916, l’objet de l’Union n’est plus la fondation d’une commune agricole mais simplement « l’exploitation d‘un terrain ».

Témoignages

PHALANGE DE ZOUAVES

Chéchia de zouave de l’armée d’Afrique · Tissu · France, 1942


Après les saint-simoniens, des fouriéristes veulent coloniser pacifiquement une Algérie conquise par les armes. Grâce à la bienveillance du lieutenant-général Lamoricière, sympathisant saint-simonien, arabophone et créateur du corps d’élite indigène des zouaves, un officier de l’armée d’Afrique obtient la permission de l’expérimentation phalanstérienne parmi les tribus soumises d’Algérie.


Débarquement du vapeur Eugène Péreire dans le port d’Alger (détail)
Photochrome, Detroit Publishing Company, vers 1899 · Library of Congress, Washington D.C.



Sources et références

Rude (Fernand), « Les fouriéristes lyonnais et la colonisation de l’Algérie », Cahiers d’Histoire, 1956, 1, p. 41-63.

Desmars (Bernard), « L'Union Agricole d'Afrique : projet phalanstérien, œuvre philanthropique ou entreprise capitaliste ? », Cahiers Charles Fourier, n° 16, décembre 2005, p. 39-50.

Madonna-Desbazeille (Michèle), « L’Union agricole d’Afrique : une communauté fouriériste à Saint-Denis du Sig, Algérie », Cahiers Charles Fourier, n° 16, décembre 2005, p. 51-63.



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