L'anarchisme contemporain est extrêmement fragmenté en différents courants de pensée. Depuis le milieu du XIXe siècle en Europe et en Amérique fleurissent les anarchismes « avec adjectif » : individualiste, mutualiste, collectiviste, communiste, syndicaliste, chrétien, féministe, naturiste, pacifiste, écologiste, primitiviste, insurrectionnel... Le point central de l'anarchisme est la remise en cause de la légitimité de l'autorité : de l'État, du gouvernement, de la loi ou de la coutume, du prêtre, du professeur, du mari, du propriétaire. L'anarchisme en tant que philosophie sociale se détermine pour l'organisation volontaire et sans contrainte des individus. Les premiers théoriciens de l'anarchisme moderne – William Godwin (1756-1836) en Angleterre, Josiah Warren (1798-1874) aux États-Unis, Joseph Proudhon (1809-1865) en France – rejettent ou minimisent la nécessité de l'État dans la construction sociale.
Les courants dits classiques de la pensée anarchiste sont l'individualisme, le mutualisme, le collectivisme, le communisme.
Avec son concept de souveraineté de l'individu, Warren incarne l'anarchisme individualiste : ni l'État ni aucun groupe que ce soit ne doit entraver la volonté de l'individu qui ne se gouverne que par lui-même et dont l'association avec d'autres individus ne peut avoir qu'un caractère temporaire. Max Stirner (1806-1856) en Allemagne, Benjamin Tucker (1854-1939) aux États-Unis, Émile Armand (1872-1963) ou Albert Libertad (1875-1908) en France représentent l'anarchisme individualiste. Les individualistes sont en règle général non-violents. Autour de 1900 en France, les illégalistes du vol et des attentats revendiquent cependant un anarchisme individualiste, de même que les pacifiques « milieu libres ». L'écrivain américain Henry David Thoreau (1817-1862), ermite de Walden et inventeur de la désobéissance civile, est régulièrement classé parmi les anarchistes individualistes. On associe aussi fréquemment à ce courant de l'anarchie les partisans de l'amour libre ou du naturisme.
Pierre-Joseph Proudhon, le premier à se déclarer positivement anarchiste dans sa critique du capitalisme et son plaidoyer pour l'abolition de la propriété privée en 1840 (Qu'est-ce que la Propriété ?), propose une voie entre l'individualisme et le collectivisme. Le fédéraliste Proudhon, pour qui l'anarchie est l'ordre sans le pouvoir, compte sur l'émergence d'un ordre spontané sans autorité centrale par le seul moyen des échanges entre associations mutuelles détentrices de leurs moyens de production. Le mutualisme de Proudhon influence Bakounine ou la Commune de Paris en 1871.
Au sein de l'Association Internationale des Travailleurs de 1864, l'anarchisme collectiviste du russe Mikhaïl Bakounine (1814-1876) s'oppose au nouvel autoritarisme que constitue selon lui la dictature du prolétariat de Karl Marx. Son anarchie vise une rébellion universelle des prolétaires à partir de syndicats ou d'unions locales pour s'approprier collectivement les terres et les moyens de production à travers des associations. La révolution sociale conduit à la formation d'une société égalitaire sans pouvoir central, sans État, fédérale, organisée librement et localement par les travailleurs. La collectivisation des moyens de production n'implique toutefois pas la collectivisation des produits du travail : la rétribution des travailleurs reste relative à la nature et à la productivité du travail de chaque individu (à chacun selon ses œuvres).
Russe comme Bakounine, Pierre Kropotkine (1842-1921), figure du communisme anarchiste, critique le collectivisme de son aîné en l'assimilant à un nouveau régime de salariat (qui évaluera le travail ?), il accorde sa préférence aux petites coopératives autogérées, prône la communauté des produits du travail et préconise leur répartition selon les besoins des individus et non selon leur capacité de travail (de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins). La révolution sociale selon Kropotkine est immanente au peuple, insurrectionnelle plutôt qu'élaborée à travers les revendications des organisations syndicales officielles. Le territoire libre d'Ukraine de 1919 à 1921 ou les communes anarchistes espagnoles de 1936 sont considérées comme des expériences « anarcho-communistes ».
Pendant plusieurs décennies, le terme « libertaire », employé la première fois par l'anarcho-communiste français Joseph Déjacque dans une lettre de 1857 à Proudhon, a été synonyme d'anarchiste. Exilé aux États-Unis, Déjacque édite à New York de 1858 à 1861 un journal intitulé Le Libertaire, journal du mouvement social. En France, les lois anti-anarchistes de 1893 et 1894 ont favorisé la diffusion du terme pour désigner les activités anarchistes interdites. À partir des années 1950 s'opère une distinction, subtile, entre les termes libertaire et anarchiste : anarchiste conserve une forte connotation politique alors que libertaire s'applique plus généralement à des pensées et des pratiques alternatives anti-autoritaires. Le mot libertaire est traditionnellement employé pour qualifier les expériences éducatives alternatives depuis la fin du XIXe siècle, dont certaines sont évidemment anarchistes comme La Ruche de Sébastien Faure, l'Escuela Moderna du catalan Ferrer ou les Modern Schools américaines.
(Source : « Anarchism», Wikipedia, The Free Encyclopedia, [En ligne], URL : http://en.wikipedia.org/wiki/Anarchism, consulté le 19 août 2013.)