Le mot allemand Lebensreform, littéralement « réforme de la vie » désigne un mouvement réformateur apparu en Allemagne et en Suisse en 1892, reposant sur une critique des méfaits de l'urbanisation et de l'industrialisation de la société, dans un élan de « retour à la nature ». Il génère des expériences communautaires jusqu'au milieu du XXe siècle.
L'idée centrale est la promotion d’un mode de vie proche de la nature, loin des villes. On prône la nourriture saine, le naturisme, la libération sexuelle, les médecines alternatives. On bannit viande, alcool, tabac, médicaments, produits industriels. Les chefs de file du mouvement élaborent des théories sur la santé et la maladie et fondent leur hygiène de vie et leurs thérapies sur les éléments naturels (eau, lumière, air, mouvement). Le prêtre allemand Sebastian Kneipp (1821-1897) met au point des thérapies aquatiques. Les cures d’eau et de soleil, la vie en plein air, le naturisme et le tourisme sanitaire se popularisent. En 1900, en Suisse, des Lebensreformer fondent la communauté végétarienne de Monte Verità, basée sur un sanatorium coopératif accueillant anarchistes, francs-maçons, artistes. La diffusion du végétarisme, dont un célèbre prophète est Karl Wilhelm Diefenbach est essentielle : il manifeste la nature comme idéal et constitue le fondement des expériences communautaires Lebensreform. La toute première, Eden, fondée en Allemagne en 1893, est une importante coopérative fruitière végétarienne. Le mouvement initie aussi l’agriculture biologique à travers la biodynamie de Rudolf Steiner (1861-1925).
Mais le changement social doit être global, aussi les Lebensreformer cherchent-ils également à modifier le logement, le vêtement, la pédagogie, etc. Le mouvement s’accompagne par ailleurs du développement d’une religiosité parallèle, synthétisant souvent le spiritisme et la théosophie, les philosophies orientales : pratique du yoga, taoïsme. C’est le cas à Monte Verità. Dans sa colonie d’Himmelhof en Autriche, Diefenbach développe sa propre religion de la nature.
La Lebensreform est nébuleuse et peu organisée, à l'instar du mouvement hippie aux États-Unis, dont elle est parfois considérée comme l’ancêtre. En effet, certains pratiquants de la Lebensreform appelés « Nature Boys », comme William Pester, s’isntallent dans le désert californien à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Eden Ahbez, un membre de ce groupe, écrit une chanson intitulée Nature Boy (enregistrée en 1947 par Nat King Cole) popularisant le retour à la nature en Amérique. Un groupe de Nature Boys participe au Summer of Love de San Francisco en 1967.
(Sources : Cluet (Marc), Repussard (Catherine), « Lebensreform »: Die soziale Dynamik der politischen Ohnmacht, La dynamique sociale de l’impuissance politique, 2013, p. 11-12 ; Ossipow (Laurence), La cuisine du corps et de l'âme: approche ethnologique du végétarisme, du crudivorisme et de la macrobiotique en Suisse, 1997, p. 222-223 ; « Lebensreform », Wikipedia, [En ligne], URL : http://en.wikipedia.org/wiki/Lebensreform, consulté en mai 2014.)