Cosme Colony

Deuxième essai australien au Paraguay.
Colonia Cosme se proclame coopérative, communiste, traditionaliste, britannique, sans alcool.

Jenny Lane et l’une de ses filles à Cosme · photographie anonyme, vers 1900 · The University of Sidney Library, Rare Books and Manuscript Collections, Cosme Colony Collection

La colonie de Cosme au Paraguay naît en juillet 1894 de l’éclatement de New Australia, située à 75 kilomètres plus au nord. L'association de Nouvelle Australie est fondée quelques mois plus tôt par quelque 230 Australiens dirigés par William Lane, journaliste socialiste et syndicaliste d’origine britannique. La personnalité de Lane et la sévérité des règles de la colonie provoquent rapidement sa scission. Lane et soixante fidèles quittent Colonia Nueva Australia. Lane ne se voit proposer qu’un terrain accidenté et sauvage par les autorités paraguayennes. Grâce à l’héritage de l’un d’entre eux, les sécessionnistes sont en mesure de payer un acompte à un propriétaire de la région de Caazapá pour l’acquisition de 6 000 hectares de forêts situés entre deux affluents de la rivière Tebicuary, un domaine d’une valeur de 400 £. Ils y fondent une nouvelle communauté.

Cosme met en pratique le même idéal communiste que Lane a tenté sans succès d’appliquer à Nouvelle Australie : « il n’y a pas de maître, pas de travailleur salarié, pas de propriétaire, pas de mendiant, pas de manoir, pas de soupe populaire, pas de chômeur, pas de fripon, pas de prison, pas de policier » (Cosme Colony Collection Papers, University of Sydney Library). Le leader exprime la conviction que la communauté maintenant épurée de ses mauvais éléments va incarner l'idéal. La colonie se déclare coopérative, communiste, démocratique, conservatrice (au regard du mariage et de la famille) et prohibitionniste de toute boisson alcoolisée. Les candidats à l'expérience doivent accepter les principes du « cosméisme », être en bonne santé et sains d'esprit, verser une provision d'argent pour leur voyage de retour au cas où ils ne seraient pas acceptés comme membres après leur année de probation, et payer des frais d'installation. Cosme ne professe aucune religion, prend en charge l'éducation des enfants, subvient aux besoins des malades et secourt les veuves. Le « cosméisme », respectueux des familles, n'impose pas les repas en commun, ignore le logement collectif et ne soustrait pas les enfants à leurs parents. Cosme ne différencie pas en principe les sexes dans le travail et la répartition des (hypothétiques) bénéfices ; par contre, et à la différence de New Australia, les femmes mariées n'ont pas le droit de vote dans les assemblées, seuls les célibataires en disposent. À partir de l'âge de 15 ans pour les garçons et de 16 ans pour les filles, les membres doivent huit heures de travail par jour, à l'exception des femmes mariées qui s'occupent à leur convenance de tâches communautaires en plus de leur travail domestique. Le samedi après-midi, le dimanche, Noël et le 12 mai, jour de la fondation de Cosme, sont chômés. Le travail s'effectue sous la direction des chefs de secteurs qui reçoivent leurs instructions du conseil de direction, formé de 9 membres et d'un directeur élus. Le début et la fin de la journée de travail sont annoncés au son du cor. Toute la production, comme la terre et les instruments de travail, sont la propriété de la communauté. Les besoins de chacun en logement, en nourriture ou en vêtements sont satisfaits par la communauté dans la limite de ses moyens, quels que soit l'aptitude ou le rendement au travail. Les colons reçoivent pour leur travail des « crédits » qui les autorisent à acquérir à titre individuel quelques articles disponibles dans le magasin communal : du savon, du pétrole pour l'éclairage, du thé. Dans les limites de leur enclos domestique, les colons ont la faculté de cultiver un jardin ou aménager un poulailler.

Au cours des deux premières années, les résidents de Cosme, trop occupés à éclaircir la forêt pour défricher et planter, vivent dans des abris provisoires et se contentent de très peu. Les premières récoltes de pommes de terre douces, de maïs, de manioc, de melon, d'oranges, d'ananas, de canne à sucre et de tabac leur donnent davantage d'aisance. Les poissons de la rivière (en particulier le manguruyú capable d'atteindre 200 kilos) procurent des ressources complémentaires. Le cheptel est réduit – quelques mauvaises vaches laitières, quelques chevaux, quelques cochons et un petit poulailler. Par nécessité, l'alimentation des colons est principalement végétarienne. Des naissances et de nouveaux migrants enrichissent la population de la colonie qui se compose de 93 membres en 1896 (44 hommes, 23 femmes et 26 enfants). La communauté commence alors seulement l'installation d'un « village » : quelques maisons individuelles en bois et chaume et quelques ateliers, dont une imprimerie où s'imprime le journal de Cosme. Une école dont l'enseignement est dispensé en anglais est ouverte et placée sous la direction de l'écrivaine Mary Gilmore, qui a participé à la fondation de New Australia et est venue avec enthousiasme au Paraguay au début de 1896. Une bibliothèque est également aménagée. La vie culturelle et sociale est organisée par une Union sociale qui prépare les soirées de lecture ou de musique, le bal hebdomadaire ou organise les parties de cricket et autres activités de plein air.

En juin 1896, le gouvernement paraguayen accepte de se substituer à la colonie pour le paiement des termes de cession du domaine. En échange, William Lane s’engage à attirer 72 familles à Cosme qui compte beaucoup plus d’hommes que de femmes. De 1896 à 1898, Lane quitte le Paraguay pour organiser une campagne de recrutement en Angleterre. Durant cette longue absence, la communauté de Cosme se délite. Les relations sont mauvaises entre les pionniers endurcis et les colons anglais et écossais recrutés par Lane (15 hommes et 10 femmes célibataires), plus délicats et bien pourvus en vêtements. Le retour du leader accentue les tensions dans une communauté dont le « cosméisme » s’est sans doute assoupli en son absence. L'affaire d'un cochon, tué par un colon et partagé entre quelques uns au mépris des règles communautaires provoque l'exclusion des fautifs mais aussi le départ de nombreux membres, lassés de l'expérience. L’histoire de New Australia se répète. Des 129 habitants que compte Cosme en décembre 1897, il n’en reste plus que 86 au début de juillet 1898. En juin 1899, William Lane abandonne la direction de Cosme et quitte l'Amérique du Sud pour la Nouvelle-Zélande où en un surprenant renversement idéologique, il devient éditeur du journal conservateur New Zealand Herald.

C'est à son frère John, qui lui succède à la direction de la colonie, qu'il revient de transgresser les principes du « cosméisme ». Un an après le départ de William, la colonie décide d'avoir recours à la main-d'œuvre salariée locale à bon marché pour l'exploitation de la forêt ou la récolte de canne à sucre. Cette dérive capitaliste, en même temps que l'admission d'Indiens paraguayens dans la communauté anglo-saxonne, provoque le départ de certains membres comme Mary Gilmore qui quitte le Paraguay en 1900 pour revenir en Australie. Les efforts de John Lane, soutenu par le gouvernement paraguayen, pour réactiver l'émigration vers Cosme sont vains. En 1901, la population de la colonie comprend 22 hommes, 17 femmes et 51 enfants, et l'année suivante 22 hommes, 11 femmes et 36 enfants. La colonie ne parvient pas à développer une agriculture et une industrie collectives. En 1904, Cosme abandonne définitivement le socialisme en permettant à ses membres de cultiver pour leur profit personnel des parcelles individuelles. Des descendants des colons vivent encore dans la région au début du XXIe siècle.

Témoignages


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BATTEURS COMMUNISTES DE SA MAJESTÉ

Batte de cricket à la griffe « Don Bradman », légende australienne du cricket (1908 - 2011)
Bois, tissu · Angleterre, William Sykes Limited à Londres, après 1929 · Provenance : États-Unis, Californie


Les coutumes de l’Empire colonial britannique perdurent dans cette nouvelle Australie sans maîtres d’Amérique du sud. Les communistes du Pacifique y pratiquent entre eux leur sport favori, une façon d’affirmer le caractère anglo-saxon du « cosméisme » qui ne convie pas à sa table égalitaire les Indiens du Paraguay. Mais peut-être que leur amour du cricket tient aussi aux règles du jeu qui laissent chacun des participants battre à son tour.


Match de cricket à Cosme
Photographie anonyme, vers 1900 · The University of Sidney Library, Rare Books and Manuscript Collections,
Cosme Colony Collection



Sources et références

Grahame (Stewart), Where Socialism Failed, 1912.

Souter (Gavin), A Peculiar People: Australians in Paraguay, 1968.

National Treasures from Australia's Great Libraries, 2005, p. 56.

Wright (Ed), Settlements of the Doomed, 2011, chap. 10.

Cosme Colony Collection Papers, University of Sydney Library, Rare Books and Special CollectionsSouter (Gavin), « Lane, William (1861-1917) », Australian Dictionary of Biography, National Centre of Biography, Australian National University, [En ligne], URL : http://adb.anu.edu.au/biography/lane-william-7024/text12217, consulté en mars 2012.

Wilde, (W. H.), « Gilmore, Dame Mary Jean (1865–1962) », Australian Dictionary of Biography, National Centre of Biography, Australian National University, [En ligne], URL : http://adb.anu.edu.au/biography/gilmore-dame-mary-jean-6391/text10923, consulté en mars 2012.



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